"Sous le grand arbre qui marque l'entrée de Kourawoui-Dalein, des «anciens» vêtus de boubous écoutent, eux aussi, la retransmission du match, l'oreille collée à un transistor. Devant eux s'étendent les pentes boisées du Fouta-Djalon et la piste tortueuse qu'ont empruntée les concurrents du Dakar. C'est ici, à l'entrée du village, que le 13 janvier, «contre toute attente», selon le constat des gendarmes guinéens, le 4 x 4 n° 420, «roulant à une vitesse suicidaire», a percuté Boubacar Diallo «de plein fouet et mortellement, c'est-à-dire que l'enfant a été ratatiné», poursuit le rapport des hommes de l'ordre. L'équipage letton était au milieu d'une côte, il s'est arrêté immédiatement.[...]
L'enfant a été très vite enterré, parce qu'il était musulman et que la morgue n'est pas équipée pour garder les morts. Ce jour-là, raconte le Dr Yeamou Marcel, «il y a eu assez d'agitation et nous avons eu la visite de nos amis médecins du Dakar, qui nous ont laissé du petit matériel de stérilisation et des pansements. C'est un petit geste, mais c'est symboliquement grand et je les en remercie. On est toujours nécessiteux». Et puis, ajoute-t-il, événement notable dans un pays où le courant électrique est une rareté, «on a pu faire des radios». Celles des trois hommes de sécurité touchés par les cailloux lancés par des jeunes, impatients d'approcher les concurrents.
Il y avait beaucoup de monde en ville, ce jour-là, pour le week-end de la Tabaski, la fête du sacrifice, et pour le Dakar. «Quand les concurrents sont arrivés, la foule était telle qu'elle s'ouvrait au gabarit des véhicules, se souvient Alassane Camara, de la Fédération guinéenne des sports mécaniques. Un motard s'est mis debout sur son engin et a fait une démonstration.» Le public délire de joie et tente de se forcer un passage jusqu'aux participants. «Les forces de sécurité ont voulu agir, elles se sont fait taper. Mais c'était juste de l'euphorie. J'ai vu des gens ôter la poussière sur un blouson de motard et se bagarrer pour garder un peu de cette poussière sur les mains.» Les festivités sont néanmoins interrompues, les musiciens remballent leurs instruments. Ça aurait pu être pire, confirme le médecin de Labé. «On peut dire que ça s'est bien passé. Notre seul regret, c'est ce petit. La dernière fois, je me souviens, le chauffeur avait voulu voir le corps de l'enfant.» En 1996, déjà, une fillette de 3 ans avait été mortellement blessée en Guinée par un motard. «Mais vous savez, les gens ici sont très religieux, ça permet de supporter. Ce qui arrive a été décidé à l'avance, c'est ancré dans les têtes [...]
Les yeux de l'instituteur se mouillent quand il parle de l'enfant : «Un gentil garçon, il était bon en mathématiques.» Les élèves répondent en choeur : «Oui monsieur» quand il leur demande si le Dakar est une bonne chose. Des petites mains se lèvent pour dire qu'il faut que le rallye revienne, mais qu'il ne doit pas tuer les enfants.» (Libération, 06-02-06)
"La religion est le soupir de la créature opprimée, la chaleur d'un monde sans coeur, comme elle est l'esprit de condition sociales d'où l'esprit est exclu. Elle est l'opium du peuple. Abolir la religion en tant que bonheur illusoire, du peuple c'est exiger son bonheur réel. Exiger qu'il renonce aux illusions sur sa situation c'est exiger qu'il renonce à une situation qui a besoin d'illusions. La critique de la religion est donc en germe la critique de cette vallée de larmes dont la religion est l'auréole" (Marx, Contribution à la critique de la philosophie du droit de Hegel, 1844)
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