1/ D'abord il a annoncé un projet de loi pour étendre la procédure de "sauvegarde" des entreprises, créée en 2005, et qui permet aux sociétés en difficulté de suspendre leurs paiements à leurs fournisseurs et leurs créanciers. Bref, les "capitaines d'industrie" et autres chevaliers capitalistes veulent prendre le moins de risque possible...
2/ Ensuite, le chef de l'Etat a répété qu'il allait limiter les poursuites pénales contre les sociétés et a précisé que Rachida Dati avait créé un groupe de travail à ce sujet.
"Ma présence en ce tribunal est l'occasion de répéter que la pénalisation à outrance de notre droit des affaires est une grave erreur, je veux y mettre un terme", a-t-il dit, répétant les mots d'un discours controversé au Medef vendredi dernier.
Cette annonce a suscité une levée de boucliers des syndicats de magistrats, qui craignent un enterrement des "affaires". L'ancienne juge d'instruction Eva Joly s'est exprimée mardi pour rappeler que la délinquance financière portait préjudice à la vie économique du pays, par les fonds détournés. "C'est un extraordinaire et étrange choix que de choisir de soutenir les délinquants contre les victimes", a-t-elle dit.
"Ma présence en ce tribunal est l'occasion de répéter que la pénalisation à outrance de notre droit des affaires est une grave erreur, je veux y mettre un terme", a-t-il dit, répétant les mots d'un discours controversé au Medef vendredi dernier.
Cette annonce a suscité une levée de boucliers des syndicats de magistrats, qui craignent un enterrement des "affaires". L'ancienne juge d'instruction Eva Joly s'est exprimée mardi pour rappeler que la délinquance financière portait préjudice à la vie économique du pays, par les fonds détournés. "C'est un extraordinaire et étrange choix que de choisir de soutenir les délinquants contre les victimes", a-t-elle dit.
La position de Sarkozy est simple: "Comment comprendre que dans les cas qui ne mettent en cause que des intérêts privés et pécuniaires, il puisse encore être fait recours au droit pénal ?", a-t-il dit. Parce que la corruption et les abus de biens sociaux ça ne nuit pas à l'intérêt public peut-être?!
3/ "Enfin, Nicolas Sarkozy a implicitement écarté toute réforme des tribunaux de commerce, institution très critiquée. Composée de commerçants et d'industriels élus par leurs pairs pour régler les faillites et cessions, elle est souvent accusée de traiter les dossiers en fonction d'intérêts privés.
Une réforme introduisant des magistrats professionnels dans ces juridictions avait été envisagée sous la gauche en 1998, puis abandonnée après de vives protestations du corps."
Une réforme introduisant des magistrats professionnels dans ces juridictions avait été envisagée sous la gauche en 1998, puis abandonnée après de vives protestations du corps."
Le plus affligeant c'est l'argumentation du Président: "Vous êtes des chefs d'entreprises et des cadres dirigeants, pragmatiques et efficaces, je me sens donc en confiance avec vous. (...) Les comportements d'une infime minorité ont été présentés comme la règle. Vous avez su vous réformer et placer l'éthique au coeur de votre fonction".
2 commentaires:
Analyse
La pénalisation des affaires sur la touche, par Jacques Follorou
LE MONDE | 06.09.07 | 14h00 • Mis à jour le 06.09.07 | 14h00
Nicolas Sarkozy a sonné la charge. Devant les patrons du Medef, réunis, jeudi 30 août, sur le campus d'HEC, le chef de l'Etat a dénoncé, sans réserve, "la pénalisation du droit des affaires". "C'est une grave erreur, je veux y mettre un terme (...). On ne peut continuer à mener aux entrepreneurs une guerre judiciaire sans merci", a-t-il lancé sous des applaudissements nourris. Pour lui, le juge est l'ennemi du patron. Pire encore, le magistrat mène des batailles qui ne sont pas les siennes. "La vérité, a assuré M. Sarkozy, c'est qu'un certain nombre de gens font appel au pénal pour obtenir un chantage."
Cette vision peu flatteuse du rôle du juge financier dans notre pays a suscité peu d'échos parmi les magistrats, dont seuls deux syndicats ont souligné les risques d'une justice à deux vitesses. Les avocats et l'opposition ont brillé par leur silence. Pourtant, M. Sarkozy a livré une analyse édifiante. Le pénal financier n'aurait servi qu'à instrumentaliser la justice dans le cadre de bagarres industrielles. Et les magistrats n'ont de cesse que de fouler un terrain qui n'est pas le leur, en s'érigeant en juges de la bonne gestion.
Un bref rappel permet de nuancer ce propos. Le pénal financier a acquis ses lettres de noblesse à la fin des années 1980 à la faveur des premières affaires politico-financières. Alors que l'atteinte aux biens et aux personnes avait constitué, jusqu'alors, le seul grain à moudre de l'autorité judiciaire, la grande délinquance économique est apparue au premier plan des inquiétudes des Français à la fin du premier septennat de François Mitterrand.
L'irruption de l'argent roi et la corruption de partis politiques et d'élus par les entreprises privées à l'heure où une "casse" industrielle sans précédent sévissait dans le pays avaient convaincu une opinion publique, touchée par un chômage endémique, de l'existence d'une autre violence majeure, celle de l'argent. De plus, des désirs d'émancipation, nés avec le Syndicat de la magistrature, classé à gauche, dans l'après-1968, ont prospéré au sein de la magistrature, ce corps par nature si peu contestataire. Sous l'ère socialiste, des magistrats, dont certains clairement de droite, se sont piqués d'enquêter sur le pouvoir, donnant naissance aux premières affaires politico-financières.
L'équilibre des pouvoirs structurant la démocratie française a alors vacillé. L'alliance objective entre la justice et la presse a fait bouger les lignes. Les affaires de financement illégal des partis, puis les dossiers visant les seules entreprises et leurs dirigeants, ont fait l'actualité des années 1990. Sorties des limbes poussiéreux du code pénal, les infractions vedettes de la justice financière, l'abus de bien social et le faux bilan, sont devenues familières à l'opinion, qui apprit à les traduire à sa façon : la confusion du patrimoine de l'entreprise avec celui du patron et le trucage des comptes.
La moralisation de la vie politique et des affaires n'a pas été sans écueils : administration de la justice transformée en face-à-face avec un monde patronal parfois diabolisé, procédures mal ficelées. Les relaxes prononcées lors des procès corrigeaient, alors, dans un mouvement naturel, ces excès. Les placements en détention utilisés comme moyen de pression, dénoncés par les avocats, ont parfois concerné des chefs d'entreprise, mais infiniment moins que les prévenus relevant du droit commun.
Le pénal financier a pourtant fait évoluer la société française. Il est à l'origine du financement public de la vie politique. Les entreprises ont adopté des standards internationaux de gestion en matière de transparence des comptes, d'éthique. Le risque pénal est intégré dans la gestion des entreprises. La dissuasion pénale a contribué à moderniser le monde des affaires et l'a contraint à s'adapter aux normes internationales, notamment celles de l'OCDE. Alors que les détracteurs des juges leur reprochent de faire le jeu de la concurrence étrangère, supposée sans entrave, c'est la justice pénale qui, aux Etats-Unis, temple du libéralisme, a permis de redonner confiance aux marchés après les retentissantes faillites des sociétés Enron et WorldCom.
LE DERNIER GARDE-FOU
De grandes sociétés mises en cause par la justice, comme le pétrolier Total ou la Société générale, n'ont pas vu leurs bénéfices décroître, bien au contraire. Les poursuites - corruption internationale ou blanchiment - ont conduit au renforcement des contrôles internes. Les moeurs ont-elles été assainies ? Les mentalités, à coup sûr. Le risque pénal agit comme le dernier garde-fou. La justice n'intervient qu'en bout de chaîne, quand les autres verrous n'ont pas fonctionné. Cette menace est d'autant plus efficace que les patrons, insérés socialement, à la différence des petits délinquants, craignent plus que tout la mise en cause publique.
L'analyse très réductrice de M. Sarkozy ne cache-t-elle pas, en définitive, un autre débat qu'il a tout juste esquissé face au Medef ? "Jouer le jeu pour les juges, c'est ne pas se laisser tenter par le gouvernement des juges, c'est ne pas se laisser aller à devenir les arbitres de la politique." Le pénal financier, par définition, c'est l'irruption d'un juge indépendant dans les affaires du pouvoir, politique et économique. Le juge devrait-il, par nature, être tenu à l'écart des affaires des puissants ? Cette volonté n'est pas nouvelle. Traumatisés par l'émergence d'un pouvoir judiciaire aux travers des affaires politique et financière, les politiques de tous bords et les patrons ne veulent plus revivre l'incertitude des années 1990.
Sous le gouvernement de Lionel Jospin, le placement en détention avait été retiré au juge d'instruction. La réélection de Jacques Chirac, en 2002, a été marquée par la reprise du pouvoir d'enquête par le parquet, dépendant du pouvoir politique. En privilégiant les enquêtes préliminaires, placées sous l'autorité du ministère public, l'avenir des investigations n'est plus dans les mains des juges d'instruction. Enfin, la réforme de la constitution de partie civile limite la saisine d'un juge d'instruction.
Cette fois-ci, le plus haut sommet de l'Etat - c'est une première -, au nom de la liberté d'entreprendre, veut sortir le droit des affaires de la sphère pénale. Les entreprises s'en trouveront-elles plus performantes ? Rien ne le dit. En tout cas, faire disparaître le risque pénal pour les entreprises, en réservant leur contentieux à la justice civile et commerciale, moins dissuasive, c'est ouvrir la voie à l'impunité. Le pari est risqué de ne s'en remettre qu'à l'éthique de chaque entreprise.
Jacques Follorou
Article paru dans l'édition du 07.09.07
Lors de l’Université d’été du MEDEF, pour défendre la « dépénalisation du droit des affaires », N. Sarkozy a affirmé:
« A quoi sert-il d’expliquer à nos enfants que Vichy, la collaboration, c’est une page sombre de notre histoire, et de tolérer des contrôles fiscaux sur une dénonciation anonyme, ou des enquêtes sur une dénonciation anonyme ? ». Il a été applaudi frénétiquement par son auditoire.
Le parallèle entre contrôle fiscal et déportation des juifs est odieux. C'est confondre la forme et le fonf...
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