20.11.07

réinventer l'anti-racisme

Il y a un mois et demi, je soulignais l'abjection du Monde qui appelait les immigrés à remercier les sénateurs de droite d'avoir voté une version amendée de la loi proposée par le Ministre de la Rafle et du Drapeau. Loi contenant bien d'autres mesures que celle des tests ADN.

Gérard Noiriel explique justement aujourd'hui, dans le "contre-journal" électronique de Libération, que le pouvoir a utilisé les tests ADN pour faire passer sans débat l'essentiel de sa réforme:

"Nous avons un train de retard. La stratégie des responsables de l'UMP intègre désormais nos protestations [...]
Les stratégies de pouvoir sont efficaces, en ce sens qu'elles imposent des problèmes d'actualité. Contester, c'est accepter le problème. J'ai fait une analyse de la campagne électorale de 2007, on voit parfaitement comment ce thème de l'identité nationale qui n'avait rien de neuf, a été repris, sans argument nouveau, par l'ensemble des grands partis politiques et par les médias comme quelque chose de fondamental. C'est de cette manière-là que Nicolas Sarkozy a récupéré les voix dont il avait besoin du côté du Front national pour gagner les élections. Aujourd'hui, le ministère de l'immigration et de l'identité nationale étant en place, il faut l'alimenter. On voit une stratégie qui vise à utiliser des mots qui font 'tilt' dans l'opinion. Ce n'est pas un hasard: ADN d'un côté, statistiques ethniques de l'autre. Et l'on est piégé, parce que d'un côté, on ne peut pas laisser passer ça, mais d'un autre côté, ces oppositions contribuent à en faire des thèmes considérés comme prioritaires pour la France [...]
Il faut mettre sur la table toutes ces questions. Y compris au niveau du vocabulaire. Parce que l'anti-racisme a tendance à tourner en rond [...]
Il faut réfléchir à la façon de reconstituer des fronts qui pourraient surprendre par rapport aux attentes du pouvoir. Des formes d'action inédites. Collectives."

Mais là, Noiriel botte en touche. Il rappelle sa démission (action courageuse, mais qui dont la forme n'est pas "inédite") et ajoute: "C'est la responsabilité des nouvelles générations de trouver ses solutions inédites"

1 commentaire:

Philippe a dit…

Dans un entretien récemment accordé à "Rouge" (n°2229, 29 novembre 2007), Noiriel se fait plus précis:

...
Aujourd'hui, l'antiracisme tourne en rond. Nous utilisons toujours des catégories du passé, alors que le contexte est nouveau: une loi pénalise les propos racistes, mais rien n'est fait contre les reportages des médias qui stigmatisent les jeunes des banlieues. Avant, la lutte contre le racisme était une lutte contre les dominants. Aujourd'hui, elle semble dirigée principalement contre les milieux populaires, et les élites se dédouanent de leur propre racisme en criminalisant celui des pauvres. Il faut reprendre cette question du racisme ordianaire: Sarkozy a su retourner la stigmatisation et les logiques identitaires en parlant de la fierté d'être français, en s'opposant à la repentance. Nous ne devons pas nous enfermer dans des pétitions sur les statistiques ethniques, mais traiter des problèmes de fond. Il faut pointer les logiques sociales de l'immigration, sinon on ne comprend rien et on détache ce phénomène de tout ancrage social.

En même temps, le discours rationnel des militants se heurte à l'irrationalité des pratiques de stigmatisation. Quand on s'adresse à l'opinion, il faut tenter d'élaborer des récits, pour fournir une familiarité avec des personnages, une solidarité, comme dans l'après-68 avec les travailleurs immigrés. A la présidentielle, deux tiers des ouvriers ont voté à droite.
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