Premier Dialogue
Le décor: en France, de nombreuses entreprises licencient. Automobile, banque, bâtiment, industrie pharmaceutique... Officiellement, un peu plus de 2 millions de travailleurs sont au chômage. Et les mauvaises nouvelles se multiplient un peu partout.
La scène se passe dans le salon de Jacques Marseille, qui regarde à la télévision un reportage sur Villeneuve-Loubet, dans les Alpes-Maritimes, où Texas Instrument France menace de supprimer de 202 à 306 postes. Soudain un personnage encagoulé surgit dans le salon.
Le personnage encagoulé: "Il est à redouter que dans "l'univers impitoyable" de la firme de Dallas, on profite de ce contexte de crise mondiale pour opérer des licenciements massifs afin de conserver les taux de rendement pour les actionnaires"
Jacques Marseille: "Quoi? Quelle est donc la vermine gauchiste qui débarque dans ma demeure et nous ressort sa pseudo-analyse paléo-marxiste ? Si les entreprises licencient c'est tout simplement parce qu'elles doivent reconstituer leurs MARGES dans un contexte où les CHARGES sont excessivement lourdes! Encore un enseignant chevelu qui se croit autorisé à commenter l'actualité ?"
Le personnage encagoulé: "[s'adressant à voix basse au public] il me faut répondre à la question que Jacques Marseille, qui est très autorisé à commenter l'actualité, qui est enseignant mais qui n'est certes pas chevelu, m'a si gentiment posée. [il poursuit en se tournant vers Jacques] Et bien non, je ne suis pas enseignant! Je suis Luca!"
Jacques Marseille: "Luca, Erri de Luca, l'écrivain italien? Ça ne m'étonne pas: tu étais ouvrier et tu faisais partie des dirigeants de Lotta Continua! Si la France est infestée d'anarcho-autonomes c'est parce qu'elle a subi l'influence pernicieuse de ton engeance. Saleté de terroriste-spaghetti! Tu..."
Le personnage encagoulé: "Du calme Jacques. Il me semble qu'il y a une petite méprise au sujet de mon identité. Je suis Luca... Lionnel Luca [il enlève sa cagoule]. Je ne suis pas né à Naples mais à Boulogne, dans les Hauts-de-seine, comme Jean-François Coppé. Je ne suis ni ouvrier ni écrivain mais député... UMP. Et je tiens à préciser que je suis pour la peine de mort, comme Jean-Marie Le Pen." Les deux hommes commencent à s'entretuer et le rideau tombe.
Deuxième dialogue
Décor. La crise est mondiale. Le "village global" vacille... La scène se passe en Chine, engagée depuis une vingtaine d'années dans la transition capitaliste. Dans un bureau luxueux mais très sombre, on distingue la silhouette d'un homme assis. Au mur, on aperçoit un portrait du Président-de-la-République-Populaire-de-Chine et secrétaire-général-du-PCC (alias Hu-Jintao, ou deux-en-un).
L'homme assis: "La pression sur l'emploi est énorme, le risque social est aussi dangereux pour la Chine que le choc financier l'est pour le reste du monde"
Le portrait: "Quel satané agitateur attise ainsi la colère des mingong [paysans migrants devenus ouvriers] ? Quel est le nom de ce crapaud dégénéré?"
L'homme assis: "je suis Dong Tao, analyste pour le Crédit Suisse à Hong Kong".
Le portrait fronce les sourcils, puis regarde longuement le public. Il reste silencieux et semble désemparé. Le rideau tombe.
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