Mercredi 7 novembre. Pour illustrer son discours sur la "banalisation politique" du racisme, Doudou Diène a accusé Nicolas Sarkozy de s'être inscrit dans "une dynamique de légitimation du racisme".
M. Diène a également dénoncé "la criminalisation et le traitement exclusivement sécuritaire des questions relatives à l'immigration". "En France, le projet de loi introduisant les tests ADN dans la procédure de traitement administratif des postulants au regroupement familial constitue aussi une illustration de cette stigmatisation de l'immigré", a-t-il ajouté.
Ces paroles n'ont pas été prononcées à la fin d'une manifestation, mais lors d'une session de la 3ème commission de l'Assemblée générale des Nations unies. Doudou Diène est le rapporteur spécial de l'ONU sur le racisme, la discrimination raciale et la xénophobie.
Bien sûr, le représentant de la France au sein de la troisième commission a répliqué en jugeant les accusations du rapporteur "infondées et irresponsables". Le président français "a réaffirmé dans ses discours et ses actes que la lutte contre le racisme faisait partie de ses priorités", a expliqué le diplomate, qui a assuré que les tests ADN ne seraient pratiqués que "sur une base volontaire".
Mais les critiques de Doudou Diène n'avaient rien "d'infondées".
"La criminalisation" des immigrés est bien un processus à l'oeuvre: rafles, fichage, sous les yeux d'une population trop souvent indifférente...
Le Président français - je veux dire "ses discours et ses actes" - s'inscrivent effectivement dans une dynamique de légitimation du racisme. Le discours de Dakar est raciste (voir ici et là). Ajoutons quelques meetings et quelques "lettres aux rapatriés" à caractère nationalistes et colonialiste. Pour les actes... il suffit de suivre l'actualité législative.
Aussi Doudou Diène a-t-il repris la parole: "Il était essentiel que le président français, Nicolas Sarkozy, sache que le discours de Dakar a causé une blessure profonde". "Dire devant des intellectuels africains qu'ils ne sont pas entrés dans l'histoire s'inspire des écrits racistes des XVIIe, XVIIIe et XIXe siècles".
Merci M. Diène.
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2 commentaires:
"Libé" jeudi 22 novembre 2007
«Sarkozy s’inscrit dans la dynamique de légitimation du racisme par les élites»
Doudou Diène, rapporteur spécial de l’ONU sur le racisme, la discrimination raciale et la xénophobie, et intellectuel sénégalais vivant à Paris, a accusé, devant les Nations unies, le président Sarkozy de «légitimer le racisme».
Propos recueilli à New York par Isabelle Duriez
Pensez-vous vraiment que Nicolas Sarkozy soit raciste ?
Non, je n’ai jamais dit qu’il était raciste. S’il l’était, il n’aurait pas nommé Rama Yade ou Rachida Dati au gouvernement. Mais, par son discours à Dakar [prononcé le 26 juillet, ndlr], il s’inscrit dans ce que je dénonce, dans mon rapport à l’ONU, comme une dynamique de légitimation scientifique et intellectuelle du racisme par les élites. Je cite en particulier le prix Nobel James Watson, qui a affirmé que les Noirs sont moins intelligents que les Blancs. Le discours de Dakar relève expressis verbis des discours racistes des XVIIIe, XIXe et XXe siècles. A l’époque, une abondance de textes légitimaient la colonisation en la présentant comme une entreprise de civilisation pour apporter les lumières à l’homme africain. Sarkozy reprend presque les mêmes arguments. Certes, il dénonce la colonisation en tant qu’entreprise d’exploitation économique. Mais cela n’a pas de sens si c’est pour reprendre son argument fondateur : l’infériorité intellectuelle des Africains. Ce discours a profondément blessé en Afrique. Je crois que ceux qui l’ont écrit et lu n’ont pas assez réfléchi à sa portée.
A quoi faites-vous référence quand vous dénoncez le racisme des élites françaises ?
Je peux vous citer plusieurs exemples récents. Pascal Sevran, qui a justifié le sous-développement du continent africain par la sexualité de l’homme africain. George Frêche, un homme de gauche, pour qui il y a trop de Noirs dans l’équipe française de football. Hélène Carrère d’Encausse, qui a expliqué les émeutes des banlieues par la polygamie des Africains. Il y a un courant profond chez ces intellectuels qui se lâchent littéralement et banalisent des concepts racistes. Ces déclarations ont été condamnées du bout des lèvres par des murmures réprobateurs. Quand on ne condamne pas, il y a connivence, et c’est cela qui est grave. Le discours xénophobe et raciste de l’extrême droite finit par s’infiltrer dans celui des partis démocratiques. Simone Veil, qui est une femme remarquable, le sait très bien : parce qu’elle est juive et qu’elle a la mémoire de la construction intellectuelle de l’antisémitisme, elle s’est immédiatement dissociée des tests ADN pour le regroupement familial.
Comment expliquez-vous cette dynamique ?
L’Occident connaît une crise identitaire grave parce que les identités nationales, constituées pour justifier les Etats nations, ne sont plus conformes aux réalités multiethniques de ces sociétés. Or, les intellectuels se pensent comme étant, en quelque sorte, les gardiens de ces identités nationales.
Ce clash entre identités constitutrices et réalité multiethnique déclenche ces éructations. Ces élites ont peur du multiculturalisme. Paradoxalement, il y a une bonne nouvelle derrière le fait que ces intellectuels se lâchent comme ça : la preuve que le multiculturalisme fait des progrès.
merci Mehdi!
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