16.11.05

Infos-Irak 13


SOMMAIRE

Infos-Irak n°13 fait d'abord le point sur les crimes de guerre perpétrés par les troupes d'occupation à Falloujah il y a tout juste un an. Les nouveaux témoignages et les nombreuses photographies révélés ces derniers jours par les médias italiens prouvent ce que de nombreux observateurs redoutaient: l'usage d'armes chimiques contre des civils irakiens. Infos-Irak revient ensuite sur les manipulations de la loi électorale en Irak.


1/ Des civils irakiens brulés au phosphore blanc par l'US Army

Après le scandale des tortures, révélé par des organisations humanitaires et des militaires, et celui de la corruption, révélé par M. Bowen (chargé en novembre 2003 par le Congrès américain de contrôler l'utilisation de l'argent du contribuable), l'administration Bush doit faire face à de nouvelles accusations.

Un reportage de la chaîne d'information italienne RaiNews 24 diffusé le 8 novembre (Falluja. La strage dimenticata : Falluja. Le massacre oublié) a révélé que les forces américaines ont utilisé des armes chimiques contre des civils de Falloujah en novembre 2004. Le phosphore blanc, un agent mortel qui brûle violemment les corps, est une variété de napalm (substance employée par les troupes impérialistes durant la guerre du Vietnam).

La journaliste Giuliana Sgrena, qui avait déjà attiré l'attention sur d'inquiétantes informations recueillies quelques mois auparavant, revient sur ces crimes de guerre:

"Ces cadavres carbonisés retrouvés après la bataille de l’aéroport (avril 2003), les habitants de Falluja m’en avait parlé avant même de devenir des réfugiés, ces visages décharnés par le phosphore blanc, ils m’en avaient parlé ensuite et les soldats américains engagés sur le champ de bataille me l’avaient confirmé (dans un entretien avec Il Manifesto, le 25 sept. 2005)
[...] Visages méconnaissables et brûlés de femmes et d’enfants inertes dans leurs habits intacts (le phosphore blanc ne consume que les cellules qui contiennent de l’eau)
[...] Les images de l’enquête de
Rainews24 le prouvent et les intéressés le confirment : le Pentagone a admis l’utilisation du Napalm, même si c’est sous la forme de MK77, et le ministre de la défense anglais s’est justifié en soutenant qu’il ignorait que les USA l’avaient utilisé. Du reste, quand les réfugiés de Falluja sont rentrés chez eux, les américains eux- même leur ont dit de ne pas manger de légumes et d’animaux de la région parce qu’ils étaient dangereux et leur ont recommandé de désinfecter les maisons avant d’y entrer. Celles qui étaient encore habitables, bien sûr [...] Brûlés au point de ne pas pouvoir être reconnus ni même comptés : seules 700 des milliers de victimes de Falluja ont été ensevelies avec un nom" (Giuliana Sgrena, Il Manifesto, 10 novembre 2005). Voir aussi l'article de: Courrier International

Si les militaires américains n'ont pas découvert "d'armes de destruction massive" en Irak, ils ont fait usage des leurs. Le marine Jim Massey a déclaré: "Les bombes au phosphore ont été employées de nuit et de jour, en continu, et j’ai assisté à la mort de nombreux civils innocents –femmes et enfants inclus- brûlés vifs [...] De fait nous avons utilisé et continuons à utiliser du phosphore blanc et de l’uranium appauvri. Nous sommes responsables du massacre continuel de civils irakiens". Un autre soldat, Jeff Englehart, a affirmé: «J’ai vu des corps brûlés de femmes et d’enfants ». Mohamad Tareq al Deraji, biologiste résidant à Falloudjah dit avoir été témoin de ces attaques chimiques: "On a trouvé des gens morts avec des blessures bizarres, les corps brûlés et les vêtements intacts".

Interrogé sur cette accusation par l’agence Reuters, le porte-parole de l’armée américaine à Bagdad, le lieutenant-colonel Steven Boylan, a simplement indiqué : «Je ne me souviens pas de l’utilisation de phosphore blanc lors de l’offensive à Falloudjah à l’automne 2004». Il "ne se souvient pas"!!! Le Département d’Etat américain prétend, quant à lui, n’avoir utilisé l’agent chimique que dans un seul cas légal: pour illuminer les positions ennemies. Mais les témoignages des civils irakiens et des soldats américains, ainsi que les terribles images diffusées par la chaîne italienne, ne laissent aucun doute quant à la réalité des crimes commis. Les nombreuses photos des victimes publiées sur le site de RaiNews24 sont insoutenables.

Plusieurs centaines de personnes ont manifesté lundi 14 novembre près de l'ambassade des Etats-Unis à Rome aux cris de «Yankee go home » et ont lancé des paquets de farine pour dénoncer l'utilisation de phosphore par les troupes américaines à Falloujah en novembre 2004. Les manifestants ont tenté de forcer le passage, puis ont bloqué l'avenue, une des grandes artères de la ville.
Plusieurs élus de la gauche radicale italienne ont soutenu cette manifestation dans une déclaration commune. «Les témoignages d'officiers américains confirment l'enquête de la Rai et placent le commandement américain devant ses terribles responsabilités», ont-ils affirmé.

Les scandales se suivent et aucune commission d'enquête n'y mettra fin. La "guerre propre" est un mythe. Des investigations sont toutefois nécessaires, pour informer et mobiliser la population. Car seule la fin de l'occupation mettra fin aux exactions impérialistes: il faut faire pression sur les nombreux partenaires européens de Bush afin d'isoler ce dernier, déjà affaibli sur la scène politique américaine.

Ci-dessus: phosphore blanc largué sur Falloujah


2/ L'ONU critique le changement de règle du vote pour le référendum en Irak

Voici une dépêche reprise par Le Monde (LEMONDE.FR 04.10.05 19h20) et passée relativement inaperçue. Elle met pourtant en évidence l'instauration précipitée de règles électorales ad hoc sans lesquelles la "constitution irakienne" eut été rejetée:


Les Nations unies ont critiqué le changement des règles du vote pour le référendum sur la Constitution irakienne, en "exprimant leur préoccupation" au gouvernement "sur les changements intervenus", dans l'article 61 C de la loi fondamentale transitoire, qui régit actuellement le pays. L'ONU "négocie une possible solution pour atteindre un compromis", a déclaré mardi 4 octobre une responsable de la mission de l'organisation à Bagdad (Unami), sous couvert de l'anonymat.
Dimanche, l'Assemblée nationale irakienne a en effet adopté la motion suivante : "Le mot électeur dans la première partie de l'article 61C veut dire les électeurs inscrits ayant exprimé leur vote, et veut dire les électeurs inscrits dans la deuxième partie". L'article ne précise donc pas si le terme "électeur" signifie les inscrits ou les votants.
L'article stipule par ailleurs que "le référendum sera un succès et le projet de Constitution ratifié si une majorité des électeurs en Irak l'approuve et si deux tiers des électeurs dans trois ou plus provinces ne le rejettent pas". Pour l'ONU, "cela revient à utiliser l'interprétation dans son propre intérêt", selon la source de l'Unami qui a de plus affirmé : "Il n'est pas possible d'avoir deux sens différents (pour le même terme) dans un même article".
Enfin, avec cette interprétation, "il est virtuellement impossible pour les sunnites de bloquer l'adoption de la Constitution", a-t-elle souligné. Les sunnites sont majoritaires dans au moins trois provinces d'Irak, et l'article 61C, avant la motion du Parlement, leur offrait la possibilité de rejeter le texte.
Avec AFP

16-11-2005, infos-irak@noos.fr

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