Voici une critique juridique du CPE. Lire aussi l'article de deux économistes de l'Université Paris-1. Trois débats sur le CPE mercredi 15 mars (avec des enseignants):
à 13h30 à St Hyppolite (17 rue St Hyppolite, RER Port-Royal), amphi I.
à 14h à Tolbiac (90 rue de Tolbiac, bus 62 ou 83, métro Place d'Italie), amphi indiqué sur place
à 14h à Javelot ("Les Olympiades", 105 rue de Tolbiac, en face de la fac Tolbiac), amphi indiqué sur place
Ensemble, mettre en échec le CPE : Brève analyse juridique critique du projet de " Contrat de Première Embauche "
Le gouvernement prétend impose son projet de CPE contre l’avis de tous les syndicats, alors qu’une nette majorité de la population s’y oppose, et que la JOURNEE du 7 Février montrera la force de la mobilisation commune des jeunes étudiants et lycéens, et des salariés. Le SNESUP-FSU appelle les personnels de l’enseignement supérieur et de la recherche à y participer massivement : c’est l’avenir des jeunes qu’ils forment qui est menacé, c’est le sens et la mission de l’enseignement supérieur qui sont en cause.
Les 10 points ci-dessous précisent le contenu réel des dispositions du projet. Derrière l’argument ressassé, " le CPE c’est un CDI ", le CPE (comme le CNE) c’est en fait le droit pour l’employeur de licencier quand il veut, sans motiver sa décision, tout en bénéficiant d’exonération totale des charges sociales. Pour le jeune salarié en CPE les droits réels ses moyens de se défendre collectivement ou juridiquement seraient en fait suspendus à la décision et au bon vouloir de l’employeur. Cette subordination arbitraire qui est le point clé du projet CPE est un élément d’un projet libéral contre les droits des salariés du secteur privé, et aussi contre les garanties de la Fonction Publique.
(Dossier établi par Philippe Enclos, avec les contributions de Gérard Cendres, maîtres de conférences en droit public et responsables nationaux du SNESUP-FSU).
1) La rupture anticipée du contrat de travail.- Le CPE pourrait être utilisé dans tous les cas légaux de recours au CDD, (sauf pour les emplois saisonniers et les emplois temporaires dans certaines professions mentionnées au code du travail). Commentaire : il est déjà possible d’utiliser le CDI pour pourvoir des emplois temporaires, bien que ce soit rarement le cas ; mais la réglementation actuelle du CDD prohibant la rupture anticipée sauf faute grave, l’utilisation du CPE aurait pour effet de supprimer cette protection : le CPE s’attaque aussi bien aux garanties (insuffisantes) des CDD qu’aux fondements du CDI.
2) Deux ans sans aucune protection contre le licenciement ! - Ce contrat serait soumis aux dispositions du code du travail en ce qui concerne les règles de licenciement sauf pendant les deux premières années à compter de la date de sa conclusion. La durée des contrats de travail, y compris du contrat de travail temporaire (intérim), précédemment conclus avec l'entreprise dans les deux années précédant la signature du CPE, ainsi que la durée des stages, viendraient en déduction de la période des deux ans dite de " consolidation ".Commentaire : cette disposition est un trompe-l’œil ; d’une part, c’est déjà le cas lors du recrutement d’un salarié sur CDI à l’issue d’un CDD, d’autre part les employeurs se garderont évidemment d’embaucher en CPE d’anciens salariés (sauf d’anciens CPE : voir ci-dessous).- Ce contrat pourrait être rompu, sans obligation de mentionner un motif, à l'initiative de l'employeur ou du salarié, pendant les deux premières années à compter de la date de sa conclusion, dans les conditions suivantes. La rupture devrait être notifiée par lettre recommandée avec demande d'avis de réception.Commentaire : certes ce n’est pas une nouveauté, ces règles existent déjà pour les CDI ordinaires, à l’issue de la période d’essai. Mais. La plupart des conventions collectives ont introduit des règles et des préavis limitant les pouvoirs de l’employeur dans la période d’essai. Ces dispositions seraient annulées par le CPE, c’est l’arbitraire pendant deux ans. Deux ans pour l’instant (voir point 6).
3) Des indemnités de fin de contrat réduites, une banalisation de la " faute grave du salarié".- Lorsque l'employeur serait à l'initiative de la rupture du CPE, et sauf faute grave du salarié, il verserait à celui-ci, au plus tard à l'expiration du préavis, outre les sommes restant dues au titre des salaires et de l'indemnité de congés payés, une indemnité égale à 8% du montant total de la rémunération brute payée au salarié depuis la conclusion du contrat.Commentaire : contrairement aux apparences, cette indemnité n’est pas un cadeau ; une telle indemnité, dite " de fin de contrat ", existe déjà lorsque les relations contractuelles ne se poursuivent pas à la fin d’un CDD (sauf exceptions) ; son montant est alors égal à 10 % de la rémunération totale brute versée pendant la durée du contrat. Par ailleurs, cette indemnité constitue une incitation financière à utiliser l’argument " pour faute grave " pour rompre la période de " consolidation " Or, en général, les employeurs demandent aux candidats à l’embauche les motifs de rupture de leur précédent contrat, précisément pour éviter de recruter des licenciés pour faute grave. Enfin, l’introduction de cette faculté de rompre la période initiale de deux ans en invoquant la faute grave banalise ce qui est actuellement une exception en matière de rupture anticipée d’une période d’essai normale.
4) Toute contestation par un salarié interdite après un délai réduit à 12 mois.- Toute contestation portant sur la rupture se prescrirait par douze mois à compter de l'envoi de la lettre recommandée notifiant la rupture.Commentaire : cette prescription de 12 mois est scélérate, car ce type de contestation ne se prescrit actuellement que par 30 ans ! La prescription de droit commun en ce qui concerne les actions relatives au salaire, que le projet de CPE ne modifie pas explicitement est de cinq ans !- La rupture du CPE devrait respecter les dispositions législatives et réglementaires qui assurent une protection particulière aux salariés titulaires d'un mandat syndical ou représentatif.Commentaire : les jeunes accédant à un emploi prennent des responsabilités collectives (délégués syndicaux, délégués du personnel, élus au Comité d’entreprise, etc..) mais avec une connaissance de leur emploi, de leurs collègues, de travail. La précarité du CPE est contradictoire avec les dispositions protégeant l’exercice du droit syndical.
5) CPE à répétition : un dispositif de précarisation des emplois.En cas de rupture à l'initiative de l'employeur, au cours des deux premières années, il ne pourrait être conclu de nouveau CPE entre le même employeur et le même salarié avant que ne soit écoulé un délai de trois mois à compter du jour de la rupture du précédent contrat.Commentaire : autrement dit, sous réserve de respecter (mais qui vérifiera ?) un délai de trois mois à l’issue d’un CPE, l’employeur serait autorisé à embaucher à nouveau le même travailleur en CPE, et à réitérer l’opération sans limitation. Actuellement, la loi interdit de recruter à nouveau par CDD sur le même poste avant un délai de carence égal au tiers de la durée du CDD précédent, ce qui a pour finalité de limiter la précarisation des emplois. On voit donc clairement que le projet CPE équivaut sur ce point à la suppression d’une règle anti-précarité.
6) Formation continue, logement : des garanties apparentes, sans droits réels. - Le salarié titulaire d'un CPE pourrait bénéficier du congé de formation similaire à celui dû aux salariés en CDD.Commentaire : poudre aux yeux, encore une fois ! Il est établi depuis fort longtemps que les titulaires de CDD n’accèdent que très rarement au congé de formation ; l’employeur ne manque pas de moyens de faire pression sur un salarié pour le faire renoncer à un projet de congé de formation. En outre, cela signifie que le CPE n’ouvrirait pas droit au congé de formation des titulaires de CDI, bien que le CPE soit un CDI. En clair : pas de garantie d’accès à la formation continue.- L'employeur serait tenu d'informer le salarié, des dispositifs auxquels il peut avoir accès au titre du 1% logement (" Locapass ").Commentaire : rien qui n’existe déjà !
7) Cadeau à l’employeur : exonération totale des charges sociales pendant trois ans !Commentaire : c’est un dispositif qui, en l’absence de garantie de compensation par l’Etat, met gravement en cause les ressources des organismes sociaux (sécurité Sociale, Assedic..). Et si l’Etat compense ce cadeau, véritable aubaine pour les employeurs, les charges sociales se trouvent transférées de l’employeur sur le contribuable...Et pour les salariés : des droits réduits en cas de chômage à l’issue du CPE : leur allocation forfaitaire (16,40 euros par jour !) serait versée pendant deux mois contre 7 mois ou 12 mois dans le régime actuel.
8) Les fragiles limites du droit du licenciement encore plus affaiblies : Actuellement, le code du travail oblige l’employeur, d’une part, à convoquer le salarié à un entretien préalable individuel, au cours duquel celui-ci peut se faire assister, En cas de licenciement économique d’au moins 10 salariés au cours d’une même période de 30 jours, l’entretien individuel est remplacé par la consultation du comité d’entreprise, ou, en l’absence de CE, des délégués du personnel, et un plan de sauvegarde de l’emploi doit être mis en place pour tenter de reclasser les salariés. D’autre part, l’employeur doit justifier d’une " cause réelle et sérieuse ", faute de quoi il s’expose à devoir payer des dommages-intérêts au salarié si celui-ci saisit le conseil de prud’hommes. Le licenciement discriminatoire, quant à lui, est réputé nul : l’employeur s’expose, outre dommages-intérêts, à devoir réintégrer le salarié. En supprimant l’obligation de motiver le licenciement, le projet de CPE interdit au salarié de contester le motif, ce qui l’empêche donc d’invoquer une discrimination. Ce sont ces protections, acquises grâce aux luttes en 1973 (licenciement individuel) et 1975 (licenciement économique) qui seraient supprimées par le système de la " période de consolidation " : une régression de plus de 30 ans !
9) Un élément clé d’un projet libéral étendu : l’extension de cette précarisation à tous les CDI ! D’après un article de C. Jakubyszyn dans Le Monde du 26 janvier : " selon nos informations, l’un des schémas étudiés par Matignon est celui de la généralisation de la période d’essai de deux ans introduite par le CPE et le CNE à tous les CDI et, parallèlement, la suppression du CDD ". Le journal rappelle que le ministre de l’emploi a annoncé mi-janvier qu’une consultation des partenaires sociaux sur " une réforme globale du contrat de travail " pour aller vers un " CDI assoupli " sera menée d’ici le mois de juin...
10) La fonction publique, et notamment l’enseignement supérieur et recherche peuvent-ils être concernés par l’application de ces dispositifs ou similaires ?D’abord, il faut noter le recul du ‘statutaire’ au profit du ‘contractuel’ dans ses diverses formes (CDI, CDD…), rapprochant ainsi la ‘fonction publique’ du droit commun des contrats de travail. Ensuite, la volonté de constituer l’université comme une entreprise ayant à sa tête un président-chef d’entreprise, ayant pouvoir de gestion sur les emplois, notamment les emplois contractuels et). Enfin, la mise en place de l’ANR et le projet de " Pacte recherche " vont dans le même sens. Toute atteinte aux garanties des salariés du privé se répercute quasi automatiquement sous une forme ou une autre, dans la fonction publique. Il y a quelques années, Gérard LYON-CAEN craignait le démantèlement du contrat du travail à durée indéterminée et des garanties qui vont avec. Il faudrait alors y ajouter le risque de démantèlement du statut de la fonction publique !
Inscription à :
Publier les commentaires (Atom)
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire