25.11.05

Une classe méprisée

Le 23 novembre le Figaro titre : «Premières arrestations de caïds, après les émeutes». Qu'est-ce que cela signifie? Le lien entre les "caïds" et les "émeutes" n'est pas clairement affirmé: raison de plus pour se demander pour quelles raisons le journal de Dassault associe ces deux termes? Pour donner à croire que ceux qui répriment les émeutes ne font que protéger la population des "caïds"? Une photo représente justement un policier cagoulé et armé d'un fusil à pompe devant une barre d'immeuble. Le Figaro nous apprend ensuite que « près de 80 personnes ont été interpellées hier lors d'une vaste opération menée dans des cités sensibles à travers tout le pays. Toutes ces cités, explique le quotidien, étaient en proie à une économie souterraine essentiellement sous-tendue par divers trafics de stupéfiants et le blanchiment de l'argent sale ».

On trouvait en revanche quelques informations intéressantes dans Le Monde d'aujourd'hui (25 nov.) qui titrait : "La majorité des mineurs présentés aux juges étaient 'inconnus' des tribunaux". Les accusés ont d'autres points communs: "ils sont français, ils ont 16-17 ans, des pères ouvriers ou chômeurs, des mères plus ou moins débordées, des résultats moyens à l'école. Et ils sont, pour la grande majorité d'entre eux, inconnus de la justice. Les mineurs déférés dans le cadre des récentes violences urbaines en Ile-de-France ne correspondent pas au profil décrit par le ministère de l'intérieur, celui de "racailles" dont "80 %" seraient connus pour des faits de délinquance." (les mensonges du Ministère figurent notamment dans une circulaire adressée le 9 novembre par le ministre de l'intérieur aux préfets).

Le Syndicat de la Magistrature a dénoncé "une justice d'abattage qui se met en place à la demande expresse du garde des sceaux". Plusieurs notes du garde des sceaux adressées aux présidents de tribunaux (les 6, 7 et 16 novembre notamment) les appellaient à une véritable "mobilisation" et les enjoignaient de privilégier les procédures rapides, notamment celle de comparution immédiate. En outre, pour Michel Tubiana, vice-président de la Fédération des droits de l'homme (FIDH) et président d'honneur de la Ligue des droits de l'homme (LDH). "on a raflé plutôt qu'interpellé". Et comme le rappelle son confrère de la LDH, Jean-Pierre Dubois, le sentiment des jeunes déférés devant les tribunaux d'appartenir à une "classe méprisée ne peut que se renforcer"...
Voir aussi l'analyse de la Fondation Copernic de la révolte des jeunes des quartiers défavorisés.

24.11.05

chronologie

Voici une chronologie (incomplète) témoignant de la montée de la xénophobie et du racisme en France:

* 18 février 2005: l'article 26 de la loi Fillon rend obligatoire l’apprentissage de la Marseillaise à l’école primaire. Ce "chant de guerre pour l’Armée du Rhin" réclame "qu'un sang impur abreuve nos sillons". Il apprendra sans doute aux enfants la tolérance ("Quoi ! Des cohortes étrangères feraient la loi dans nos foyers !" ... "Sous nos drapeaux que la victoire accoure à tes mâles accents").

* 23 Février 2005: adoption de la loi révisionniste sur le "rôle positif de la présence française" dans les colonies.

* Juin 2005: Pour la première fois en France, des étrangers ont été jugés dans un commissariat (à Coquelles, une salle d'audience dite " délocalisée ", réservée aux étrangers, dans les locaux de la police aux frontières, entre le chenil des chiens policiers et le stand de tir). Une salle de ce type avait été mise en place dans l'aéroport de Roissy mais les magistrats et avocats du tribunal de Bobigny avaient refusé d'y siéger.

* 5 juillet 2005: à Evian, les ministres de l'Intérieur de l'Allemagne, de l'Espagne, de la France, de l'Italie et du Royaume-Uni ont décidé à l'unanimité d'organiser des "charters groupés".

* 27 juillet 2005: premier charter européen avec à son bord 40 Afghans expulsés d'Europe. Dans leur pays meurtri par 25 ans de guerre, ils auront la consolation de croiser... des militaires français!

* Eté 2005: nombreuses raffles de sans-papiers à Paris (Stalingrad, Chateau d'Eau). Deux décrets restreignent l'accès des sans-papiers à l'aide médicale d'État (créée en 2000).

* 2 septembre 2005 (jour de la rentrée scolaire): les forces de police expulsent une quarantaine d'Ivoiriens (dont des enfants) habitant un squat rue de la Tombe-Issoire (XIVe arrondissement). Ils n'ont pas été relogés et paient un hotel au prix fort. Sarkozy profite ainsi des incendies dans les logements insalubres pour... s'en prendre aux victimes! Les expulsions prennent fin grâce aux mobilisations (XIXème ar.).

* 20 septembre 2005: Roland Gatti, fonctionnaire à la Police aux Frontières (PAF) de Metz et représentant du SGP - FO, a, dans le cadre de son mandat départemental, exprimé à Jacky Durand de Libération une dure réalité : "On expulse à tour de bras, on fait les fonds de tiroir (...) On va chercher tout ce qui peut traîner comme étranger en situation irrégulière. On « fait » beaucoup de familles. Une famille, ça peut faire six personnes. Souvent, ce sont des gens qui sont là depuis plusieurs années. Même les collègues les plus durs chez nous ne comprennent pas. Les centres de rétention sont pleins à craquer. Faute de place, on est obligé d’emmener des gens de Metz à Toulouse, à Bordeaux, à Lille et de faire ainsi des milliers de kilomètres Jouer avec des familles pour faire du chiffre, c’est inadmissible". La direction du SGP-FO s’étant curieusement désolidarisée de M. Gatti, celui-ci risque désormais une sanction disciplinaire... pour avoir exprimé ce que beaucoup de policiers pensent tout bas.

* Début octobre 2005: plusieurs candidats à l'immigration clandestine abattus par les polices espagnoles et marocaines à Ceuta et Mellila. Les deux Etats se rejettent la responsabilité. Mille à deux mille migrants sont abandonnés dans le désert l'armée marocaine, sans eau ni vivres, après avoir été battus et insultés (source: MSF et Amnesty International). Absence de réaction de l'Union Européenne, sauf de Zapatero... qui envoie 500 soldats supplémentaires!

* 7 novembre 2005: tandis que les banlieues s'embrasent, Villepin veut "proposer l'apprentissage dès 14 ans à des enfants qui, visiblement, n'ont pas le goût, n'ont pas l'envie ou qui ont quitté l'école". L'égalité des chances c'est donc... l'exploitation dès 14 ans et la fin de l'école obligatoire pour tous jusqu'à 16 ans. Cette régression de 30 ans est jugée "scandaleuse" par les syndicats enseignants qui se disent "atterrés".

* 8 novembre 2005: Emerainville (94), "une cinquantaine de policiers, de la sécurité publique et de la police judiciaire, investissent le quartier vers midi, à la recherche d'armes. En vain. Mais, selon le parquet, ils découvrent dans un box une voiture des services municipaux volée et désossée. "Je vois qu'ils arrachent les portes des garages. J'approche, je dis : "Qu'est-ce que vous faites, on peut les ouvrir normalement"" raconte Guimba Traoré. Il n'est pas le seul présent sur les lieux. Ingrid Gauthier et son compagnon, Adama Diallo, 28 ans, sont allés chercher les enfants à l'école. Ingrid porte son bébé de 2 mois dans les bras ; leur garçon de 2 ans leur tient la main. "J'ai refermé brusquement mon box, car j'étais excédée. Au même moment, Adama a haussé le ton. Un policier m'a attrapée par les cheveux, tandis que d'autres ont mis brutalement Adama à terre et là, ils se sont déchaînés sur lui : coups de pied, de matraque..." Abdoulaye Diallo, le frère d'Adama âgé de 17 ans, intervient. "J'ai juste voulu tirer mon frère par le bras. J'ai pris aussitôt un coup sur la tête. A quatre, ils m'ont frappé, à coups de pied et de matraque." " (source: Libération).

* 9 novembre 2005 : télégramme adressé par le ministre de l'intérieur, Nicolas Sarkozy, aux préfets, leur demandant d'expulser les étrangers interpellés pour les émeutes en banlieue, même ceux en situation régulière. Pour la LDH, la mesure est "totalement illégale parce que c'est une expulsion collective et que ce type d'expulsion est interdite par la Convention européenne des droits de l'homme".

* 15-16 novembre 2005 : Sarkozy, Larcher et Accoyer (soit 2 Ministres et le président du groupe UMP à l'Assemblée) reprennent publiquement la thèse du FN selon laquelle la polygamie est "l'une des causes" des émeutes (ou comment détourner l'attention des véritables causes et gagner quelques électeurs).

* 20 novembre 2005 : Plusieurs dizaines de sans-papiers ont été expulsés par la police de la permanence de l'UMP à Asnières. Une jeune femme a été évacuée à l'hôpital Beaujon de Clichy (Hauts-de-Seine) à la suite d'une crise d'épilepsie après avoir été abondamment aspergée de gaz lacrymogène, a déclaré Bahija Benbouka, déléguée du "9e collectif parisien des sans-papiers" (source: AFP).

* Janvier 2006: nouvelle loi raciste proposée par Sarkozy et votée au Parlement tandis que perdure "l'état d'urgence" néo-colonial (autorisant des interdictions de séjour, des assignation à résidence, des fermetures de "lieux de réunions de toute nature", des perquisitions de nuit et "toutes mesures pour assurer le contrôle de la presse et des publications de toute nature").

* ET APRES ? Où va-t-on? Amendement de la loi révisionniste sur le "rôle positif de la présence française" dans les colonies (janvier 2005) pour y ajouter un paragraphe sur le "les aspects positifs de la collaboration"? Autorisation de tirer à vue lors des prochaines émeutes? Recours à l'armée contre la prochaine grève des transports ?

16.11.05

Infos-Irak 13


SOMMAIRE

Infos-Irak n°13 fait d'abord le point sur les crimes de guerre perpétrés par les troupes d'occupation à Falloujah il y a tout juste un an. Les nouveaux témoignages et les nombreuses photographies révélés ces derniers jours par les médias italiens prouvent ce que de nombreux observateurs redoutaient: l'usage d'armes chimiques contre des civils irakiens. Infos-Irak revient ensuite sur les manipulations de la loi électorale en Irak.


1/ Des civils irakiens brulés au phosphore blanc par l'US Army

Après le scandale des tortures, révélé par des organisations humanitaires et des militaires, et celui de la corruption, révélé par M. Bowen (chargé en novembre 2003 par le Congrès américain de contrôler l'utilisation de l'argent du contribuable), l'administration Bush doit faire face à de nouvelles accusations.

Un reportage de la chaîne d'information italienne RaiNews 24 diffusé le 8 novembre (Falluja. La strage dimenticata : Falluja. Le massacre oublié) a révélé que les forces américaines ont utilisé des armes chimiques contre des civils de Falloujah en novembre 2004. Le phosphore blanc, un agent mortel qui brûle violemment les corps, est une variété de napalm (substance employée par les troupes impérialistes durant la guerre du Vietnam).

La journaliste Giuliana Sgrena, qui avait déjà attiré l'attention sur d'inquiétantes informations recueillies quelques mois auparavant, revient sur ces crimes de guerre:

"Ces cadavres carbonisés retrouvés après la bataille de l’aéroport (avril 2003), les habitants de Falluja m’en avait parlé avant même de devenir des réfugiés, ces visages décharnés par le phosphore blanc, ils m’en avaient parlé ensuite et les soldats américains engagés sur le champ de bataille me l’avaient confirmé (dans un entretien avec Il Manifesto, le 25 sept. 2005)
[...] Visages méconnaissables et brûlés de femmes et d’enfants inertes dans leurs habits intacts (le phosphore blanc ne consume que les cellules qui contiennent de l’eau)
[...] Les images de l’enquête de
Rainews24 le prouvent et les intéressés le confirment : le Pentagone a admis l’utilisation du Napalm, même si c’est sous la forme de MK77, et le ministre de la défense anglais s’est justifié en soutenant qu’il ignorait que les USA l’avaient utilisé. Du reste, quand les réfugiés de Falluja sont rentrés chez eux, les américains eux- même leur ont dit de ne pas manger de légumes et d’animaux de la région parce qu’ils étaient dangereux et leur ont recommandé de désinfecter les maisons avant d’y entrer. Celles qui étaient encore habitables, bien sûr [...] Brûlés au point de ne pas pouvoir être reconnus ni même comptés : seules 700 des milliers de victimes de Falluja ont été ensevelies avec un nom" (Giuliana Sgrena, Il Manifesto, 10 novembre 2005). Voir aussi l'article de: Courrier International

Si les militaires américains n'ont pas découvert "d'armes de destruction massive" en Irak, ils ont fait usage des leurs. Le marine Jim Massey a déclaré: "Les bombes au phosphore ont été employées de nuit et de jour, en continu, et j’ai assisté à la mort de nombreux civils innocents –femmes et enfants inclus- brûlés vifs [...] De fait nous avons utilisé et continuons à utiliser du phosphore blanc et de l’uranium appauvri. Nous sommes responsables du massacre continuel de civils irakiens". Un autre soldat, Jeff Englehart, a affirmé: «J’ai vu des corps brûlés de femmes et d’enfants ». Mohamad Tareq al Deraji, biologiste résidant à Falloudjah dit avoir été témoin de ces attaques chimiques: "On a trouvé des gens morts avec des blessures bizarres, les corps brûlés et les vêtements intacts".

Interrogé sur cette accusation par l’agence Reuters, le porte-parole de l’armée américaine à Bagdad, le lieutenant-colonel Steven Boylan, a simplement indiqué : «Je ne me souviens pas de l’utilisation de phosphore blanc lors de l’offensive à Falloudjah à l’automne 2004». Il "ne se souvient pas"!!! Le Département d’Etat américain prétend, quant à lui, n’avoir utilisé l’agent chimique que dans un seul cas légal: pour illuminer les positions ennemies. Mais les témoignages des civils irakiens et des soldats américains, ainsi que les terribles images diffusées par la chaîne italienne, ne laissent aucun doute quant à la réalité des crimes commis. Les nombreuses photos des victimes publiées sur le site de RaiNews24 sont insoutenables.

Plusieurs centaines de personnes ont manifesté lundi 14 novembre près de l'ambassade des Etats-Unis à Rome aux cris de «Yankee go home » et ont lancé des paquets de farine pour dénoncer l'utilisation de phosphore par les troupes américaines à Falloujah en novembre 2004. Les manifestants ont tenté de forcer le passage, puis ont bloqué l'avenue, une des grandes artères de la ville.
Plusieurs élus de la gauche radicale italienne ont soutenu cette manifestation dans une déclaration commune. «Les témoignages d'officiers américains confirment l'enquête de la Rai et placent le commandement américain devant ses terribles responsabilités», ont-ils affirmé.

Les scandales se suivent et aucune commission d'enquête n'y mettra fin. La "guerre propre" est un mythe. Des investigations sont toutefois nécessaires, pour informer et mobiliser la population. Car seule la fin de l'occupation mettra fin aux exactions impérialistes: il faut faire pression sur les nombreux partenaires européens de Bush afin d'isoler ce dernier, déjà affaibli sur la scène politique américaine.

Ci-dessus: phosphore blanc largué sur Falloujah


2/ L'ONU critique le changement de règle du vote pour le référendum en Irak

Voici une dépêche reprise par Le Monde (LEMONDE.FR 04.10.05 19h20) et passée relativement inaperçue. Elle met pourtant en évidence l'instauration précipitée de règles électorales ad hoc sans lesquelles la "constitution irakienne" eut été rejetée:


Les Nations unies ont critiqué le changement des règles du vote pour le référendum sur la Constitution irakienne, en "exprimant leur préoccupation" au gouvernement "sur les changements intervenus", dans l'article 61 C de la loi fondamentale transitoire, qui régit actuellement le pays. L'ONU "négocie une possible solution pour atteindre un compromis", a déclaré mardi 4 octobre une responsable de la mission de l'organisation à Bagdad (Unami), sous couvert de l'anonymat.
Dimanche, l'Assemblée nationale irakienne a en effet adopté la motion suivante : "Le mot électeur dans la première partie de l'article 61C veut dire les électeurs inscrits ayant exprimé leur vote, et veut dire les électeurs inscrits dans la deuxième partie". L'article ne précise donc pas si le terme "électeur" signifie les inscrits ou les votants.
L'article stipule par ailleurs que "le référendum sera un succès et le projet de Constitution ratifié si une majorité des électeurs en Irak l'approuve et si deux tiers des électeurs dans trois ou plus provinces ne le rejettent pas". Pour l'ONU, "cela revient à utiliser l'interprétation dans son propre intérêt", selon la source de l'Unami qui a de plus affirmé : "Il n'est pas possible d'avoir deux sens différents (pour le même terme) dans un même article".
Enfin, avec cette interprétation, "il est virtuellement impossible pour les sunnites de bloquer l'adoption de la Constitution", a-t-elle souligné. Les sunnites sont majoritaires dans au moins trois provinces d'Irak, et l'article 61C, avant la motion du Parlement, leur offrait la possibilité de rejeter le texte.
Avec AFP

16-11-2005, infos-irak@noos.fr

15.11.05

RDV mercredi 18h30 St Michel

RASSEMBLEMENT UNITAIRE contre l'état d'urgence MERCREDI 16 nov. à 18h30 place St-Michel (puis départ de manif en direction du Sénat).
Un récit de la manif, interdite, de samedi dernier: http://www.liberation.fr/page.php?Article=338063 Ci-dessous: la tribune de Pierre Marcelle au sujet de la censure par Arlette Chabot de la vidéo de la "bavure".

Surenchère de la bavure
par Pierre MARCELLE
Qu'est-ce que c'est, une information sous état d'urgence ? Même si la loi d'exception que le Conseil des ministres d'hier décidait de proroger pour trois mois est censée ne pas concerner la presse, une impression de flou s'installe en quoi toute parole devient suspecte. Ainsi, dans un état normal, admettrait-on plus aisément (au titre des aléas, pour ainsi dire, du jeu de gendarmes et de voleurs) que ce jeune homme, un petit peu tabassé l'autre lundi à La Courneuve, se soit rendu opportunément coupable, le vendredi suivant, d'un caillassage de véhicule de pompiers (ou d'un départ de feu, on ne sait trop...) au Bourget. Après son interpellation de dimanche, la «bavure» (version officielle) dont il fut la victime est lourde de trop d'enjeux pour ne pas en générer d'autres. Sans préjuger des pressions de syndicats policiers très désireux de réhabiliter leurs cinq collègues (dont l'un fut provisoirement détenu), le cas de Fouad T., ainsi que l'identifiait lundi le Figaro, fait l'objet de toutes les attentions, mais celle que lui porte Arlette Chabot, directrice de l'information de F2, peut d'ores et déjà s'assimiler à une bavure médiatique. S'il se peut concevoir que le jeune homme soit à la fois victime et coupable, la censure rétrospective des images où il figure en victime (voir Libération d'hier) va mécaniquement charger sa barque de coupable. Mme Chabot invoque étrangement, pour justifier son initiative, un souci d'apaisement «à la veille d'un week-end à risques» ­ souci dont on ne sache pas qu'il fait partie de son cahier des charges. En posant que ces images eussent pu être «utilisées n'importe comment», elle s'expose à n'en plus diffuser aucune. En se refusant à prendre le risque de «les voir tourner en boucle» et d'une «surenchère», elle signifie qu'elles n'eussent jamais dû être tournées. On suivra attentivement la façon dont F2 traitera des suites de l'affaire, où l'état d'urgence invite la version policière à «tourner en boucle», et Mme Chabot à craindre sa surenchère.

14.11.05

Extraits d'un article du Guardian

Riots are a class act - and often they're the only alternative
France now accepts the need for social justice. No petition, peaceful march or letter to an MP could have achieved this
Gary Younge Monday November 14, 2005 The Guardian

...After the 1967 riots in American cities, President Johnson set up the Kerner commission. It concluded: "What white Americans have never fully understood - but what the Negro can never forget - is that white society is deeply implicated in the ghetto. White institutions created it, white institutions maintain it, and white society condones it." How else was such a damning indictment of racial discrimination in the US ever going to land on the president's desk?
Following the inner-city riots across Britain in 1981, Lord Scarman argued that "urgent action" was needed to prevent racial disadvantage becoming an "endemic, ineradicable disease threatening the very survival of our society". His conclusions weren't perfect. But the kernel of a message black Britons had been trying to hammer home for decades suddenly took centre stage. A few years later Michael Heseltine wrote a report into the disturbances in Toxteth entitled It Takes a Riot.

[...] Given these uncertain outcomes, riots carry great risk. The border between political violence and criminality becomes blurred, and legitimate protest risks degrading into impotent displays of hypermasculinity. Violence at that point becomes not the means to even a vague aspiration but the end in itself, and half the story gets missed. We heard little from young minority French women last week, even though they have been the primary target of the state's secular dogma over the hijab.
Finally, violence polarises. The big winner of the last two weeks may yet prove to be Sarkozy. The presidential-hopeful courted the far-right with his calculated criticisms of the rioters; if he wins he could reverse any gains that may arise. Le Pen also lurks in the wings.
The riots in France run all these risks and yet have still managed to yield a precarious kind of progress. They demand our qualified and critical support.

13.11.05

Emmanuel Todd

L'entretien que l'historien Emmanuel Todd a accordé au Monde de ce w-e contient une comparaison intéressante: "Pour ce qui est des gosses de banlieue d'origine africaine ou maghrébine, ils ne sont pas du tout dans la même situation que les Pakistanais d'Angleterre ou les Turcs d'Allemagne. Chez nous, les taux de mariages mixtes tournaient au début des années 1990 autour de 25 % pour les filles d'Algériens, alors qu'ils étaient de 1 % pour les filles de Turcs et d'epsilon pour celles de Pakistanais. La simple mixité ethnique des bandes de jeunes en France est impossible à concevoir dans les pays anglo-saxons. Evidemment, je ne suis pas en train de donner une vision idyllique de la France de 1789 qui serait à l'oeuvre, avec le postulat de l'homme universel, ce rêve des nationaux républicains".

Mais la conclusion de Todd semble bien optimiste : "Ces gens marginalisés, présentés comme extérieurs à la société, ont réussi à travers un mouvement qui a pris une ampleur nationale à intervenir dans le débat politique central, à obtenir des modifications de la politique d'un gouvernement de droite (en l'obligeant à rétablir les subventions aux associations des quartiers)". Il convient de préciser qu'en prime du rétablissement des subventions, ils ont eu droit au rétablissement de la double peine (expulsions par les préfets des fauteurs de troubles étrangers, même lorsqu'ils possèdent une carte de séjour), à une exploitation plus précoce (apprentissage dès l'âge de 14 ans), à de nouvelles insultes, à des peines de prison ferme etc.

9.11.05

Fausses solutions

Parmi les nombreuses réactions aux prétendues "solutions" annoncées par Villepin, on peut noter l'opposition des 2 principales fédérations syndicales de l'Education Nationale à la décision d'abaisser de 16 à 14 ans l'âge requis pour entrer en apprentissage: "On va faire sortir les jeunes plus tôt du système scolaire, c'est de l'orientation par l'échec", voire une "remise en cause du collège unique" (FSU), "Pour des jeunes qui vivent au jour le jour la relégation sociale, il s'agirait donc de rétablir une voie de relégation scolaire abandonnée depuis trente ans !" (UNSA-SE).
Par ailleurs, il y a des points intéressants dans les commentaires de L. Thuram (102 sélections en équipe de France, ce qui ne lui confère aucune autorité particulière en matière politique) : « Moi aussi, j'ai grandi en banlieue. Quand quelqu'un dit il faut nettoyer au Kärcher... Il ne sait peut-être pas ce qu'il dit, Sarkozy. Moi, je le prends pour moi [...] On a mis le point sur l'insécurité. C'est quelque chose qui rassemble. Qui ne veut pas vivre en sécurité ? Le problème, c'est qu'il faut trouver des coupables [...] Il faut comprendre d'où arrive le malaise. Avant de parler d'insécurité, il faut peut-être parler de justice sociale. Les gens (en banlieue) n'ont peut-être pas de travail [...] il y a une réflexion à avoir. Souvent, les jeunes ont comme idoles les joueurs de foot, c'est bien, mais il faut d'autres idoles » Enfin un footballeur qui dénonce le fameux tryptique: "admire Zidane, joue au foot et ferme-là"... Sauf que ce ne sont pas "d'autres idoles" dont ils ont besoin mais d'autres perpectives collectives.
RASSEMBLEMENT contre l'instauration de "l'état d'urgence" MERCREDI 9 NOVEMBRE à 18H devant la PREFECTURE DE BOBIGNY
(à l'appel de Alternative Citoyenne, ATMF, CEDETIM, Comité des sans-logis, CRLDHT, Fédération Syndicale Unitaire, Ligue Communiste Révolutionnaire, Ligue des Droits de l’Homme, MRAP, Parti Communiste Français, Syndicat des Avocats de France, Syndicat de la Magistrature, Union Syndicale Solidaires, Les Verts)

8.11.05

premier message

Je commence ce blog alors que le premier ministre vient de décréter l'état d'urgence en déterrant la loi du 3 avril 1955. Triste symbole que cette loi : l'Etat colonial en a usé en 1955 en Algérie et s'en sert aujourd'hui contre les petits-enfants des immigrés. Trois remarques:
1/ Comment s'étonner de ce qui se passe alors que les habitants des banlieues, souvent issus de l'immigration, sont stigmatisés en permanence et sont parqués dans des quartiers défavorisés (chômage record et insuffisance de services publics dans tous les domaines) ? La révolte couvait depuis longtemps mais la situation fut considérablement aggravée par la politique de ces dernières années (chasse aux sans-papiers, expulsions, la semaine dernière: encore une annulation de 310 millions d'€ de crédits du budget 2005, qui auraient du être affectés à l'insertion et au logement social dans les banlieues...).

2/ Selon Le Monde (04/11/05): Nicolas Sarkozy a affirmé dans une interview télévisée, jeudi 3 novembre, que les violences ayant eu lieu ces dernières nuits n'avaient "rien de spontané" et étaient "parfaitement organisées". Sollicité par l'AFP, le ministère de l'intérieur n'a pas fourni d'éléments à l'appui de cette déclaration. Plusieurs responsables policiers ont fait part de leur "scepticisme" et de leur "réserve" sur de telles hypothèses. A la direction générale de la police nationale (DGPN), on se dit "formel" : "Evoquer l'influence islamiste n'est pas fondé" et "il n'y a rien pour étayer l'existence d'une organisation des émeutes, qu'elle soit nationale, départementale, ou quoi que ce soit de ressemblant". "Les RG n'ont recueilli aucun élément permettant pour l'heure d'accréditer la thèse selon laquelle des islamistes manipuleraient" les groupes qui, s'ils peuvent être "organisés en leur sein", ne sont "pas coordonnés" entre eux, confirme une autre source. Conclusion: une fois de plus, Sarkozy ment en toute connaissance de cause.

3/ Les mesures prises par Villepin sont intolérables: il ne s'agit pas d'un simple couvre-feu mais d'une loi qui va bien au-delà (et qui ne fut pas utilisée en 68). Cette loi instaure un état d'exception pour 12 jours: perquisitions de nuit comme de jour sans contrôle judiciaire, restrictions à la liberté de réunion, "mesures pour assurer le contrôle de la presse et des publications de toute nature", assignations à résidence etc.