20.2.06

Aux personnels et aux étudiants des Universités


8 facs en grève la semaine dernière. Beaucoup d'enseignants et d'étudiants sont démoralisés parce que la droite frappe dur, gagne souvent en dépit des mobilisations et fait sans cesse monter les enchères. Contre ce découragement, il faut rappeler que:

1/ En dépit d'une défaite (LMD), nous sommes le seul secteur à avoir repoussé plusieurs attaques de la droite (le rapport Belloc et le projet Ferry de "modernisation") !

2/ Face à un texte aussi grave (lire toute la loi sur "l'égalité des chances" qui autorise, par exemple, le travail de nuit des enfants de 15 ans) et à l'usage du 49.3, les mobilisations et le travail d'explication paient. Au fil des semaines, les opinions se sont durcies contre ce projet (sondages). Conséquence: "la popularité de Dominique de Villepin est à son plus bas niveau depuis son accession à la tête du gouvernement français en juin avec 43% de satisfaits, une chute de 9 points en un mois, selon un sondage publié dimanche 19 février [...] La chute de popularité de M. de Villepin est particulièrement marquée chez les 18-24 ans avec 15 points en moins, selon ce sondage réalisé du 9 au 17 février, au plus fort des manifestations en France contre le CPE. Il s'agit du plus fort recul du chef de gouvernement dans la salve d'enquêtes d'opinion publiées en février. Tous cependant allaient dans le même sens " (Le Monde).

Même la FCPE (parents d’élèves) s’y met! "La raison d'être de la FCPE, c'est une scolarité réussie pour les jeunes, c'est la construction de leur avenir. Quand celles-ci sont compromises, elle réagit […] De l'apprentissage à 14 ans au CPE, quand les seules perspectives sont celles de la ségrégation scolaire et culturelle, de la précarité de l'emploi, elle condamne ". Elle invite donc les parents à "se mobiliser nombreux et notamment le 7 mars".

3/ Le petit revers politique de Villepin n'est évidemment pas suffisant car la loi est toujours là. Mais les organisations étudiantes peinent à mobiliser autant qu’en 2003 en raison de l’absence de perspective nationale. En 2003, la mobilisation était certes inégale mais massive et le mouvement pouvait devenir national à tout moment. En 2006, c'est plus difficile: en imposant ce calendrier, Villepin a contraint les étudiants à des sortes de " grèves tournantes " : Rennes et Toulouse… puis Bordeau et Paris ? Les syndicats étudiants sont conscients de ce problème mais aussi de l’enjeu de cette lutte. En particulier, l’UNEF a bien relayé dans sa lettre d’info du 15/02, l’appel de Rennes contenant cette phrase : "Nous appelons l'ensemble de la jeunesse de ce pays à se mobiliser avec détermination, à nous rejoindre dans la grève et à poursuivre le combat jusqu'au bout". Les autres syndicats étudiants sont tous sur la même ligne. Donc, la volonté est bien là mais le mouvement ne passe pas à la vitesse supérieure, en raison de la difficulté énoncée ci-dessus.

4/ Les salariés sont autant concernés que les étudiants (cf. Villepin dans le Nouvel Obs’ sur le contrat unique en juin, et la réponse de la CGT). Or à ce jour, les confédérations n’appellent pas à la grève au niveau national. Elles ont signé un communiqué commun (ce qui est bien) mais il affirme seulement : " Décidons de toutes les modalités d'actions (arrêts de travail, débrayages, rassemblements, ect...) permettant la réussite des manifestations et l'expression la plus large des salariés ". Ce n’est pas très clair, probablement pour ne pas heurter certains signataires (Cfdt, Cftc etc.).
La CGT-Services Publics (1er syndicat dans la fonction territoriale) appelle à la grève : pourquoi pas le reste de la CGT ? De nombreuses sections de la FSU appellent aussi : pourquoi la FSU n’appelle-t-elle pas au niveau national ? C’est pourtant le meilleur moyen pour que les lycéens nous rejoignent (ce que redoute le gouvernement, cf. répression du mouvement lycéen l’an passé).

5/ Contrairement à d’autres (qui m’ont souvent gonflé avec ce type de démarche en AG parce que c’était alors très déconnecté de la situation), je ne suis pas un acharné des " adresses aux directions syndicales ". D’ailleurs, je ne le propose pas. Je n’explique pas non plus les défaites par la "trahison" des directions. C’est un peu simple et n’explique pas tout. En revanche, force est de constater que le 7 mars toutes les zones auront repris. Les syndicats seront alors maîtres de la forme donnée à leur action. Sans tenter de prédire le résultat, on peut s’interroger sur les conditions de mobilisation. Il me semble que, dans le contexte actuel, il faut y aller vraiment ou bien rester chez soi : beaucoup de collègues (je parle de toute l’Education Nationale, où la FSU a un poids considérable !) sont démotivés par la succession des " journées d’action " ponctuelles. J’ai réalisé le tableau suivant à partir des taux de grèves du Ministère (avec ceux des syndicats, les chiffres sont plus élevés mais la pente décroissante est EXACTEMENT la même) :
Education Nationale (Fonctionnaires d'Etat):

20-janv-05 = 36,96%
10-mars-05 = 31,18%
04-oct-05 = 26,35%
03-févr-06 = 18,46%

(ces dates ne sont pas toutes équivalentes car il s'agit parfois de grèves "Educ", parfois de grèves tous secteurs, mais les taux portant toujours sur la seule Educ cela donne une petite idée de la tendance). Si l’on ajoute à ça des facteurs propres à notre secteur (ex : idéologie élitiste), cela donne de toutes petites mobilisations chez nos collègues.

Conclusion : un appel clair à la grève au niveau national, avec des perspectives de reconduite du mouvement, ou bien un appel clair à rester chez soi. Comme rien n'est encore joué (restent 18 jours) et que je préfère la première possibilité, il me semble que nous devons D'ABORD venir nombreux aux AG et réfléchir à la façon dont nous pouvons lutter localement avec les personnels et les étudiants dans les jours qui suivront…
Eléments "positifs" pour finir : chaque nouvelle attaque risque d'être celle de trop, la baisse des postes aux concours dans le secondaire et la publication de la carte scolaire en mars devraient donner un coup de pouce au mouvement... Convergence également possible avec la lutte contre le "Pacte" Recherche (rassemblement le 28 février à 14h sur le parvis du Musée d'Orsay à l'appel de l'intersyndicale, préavis de grève déposé).

6.2.06

Boubacar, tué par un jeu de barbares

"Sous le grand arbre qui marque l'entrée de Kourawoui-Dalein, des «anciens» vêtus de boubous écoutent, eux aussi, la retransmission du match, l'oreille collée à un transistor. Devant eux s'étendent les pentes boisées du Fouta-Djalon et la piste tortueuse qu'ont empruntée les concurrents du Dakar. C'est ici, à l'entrée du village, que le 13 janvier, «contre toute attente», selon le constat des gendarmes guinéens, le 4 x 4 n° 420, «roulant à une vitesse suicidaire», a percuté Boubacar Diallo «de plein fouet et mortellement, c'est-à-dire que l'enfant a été ratatiné», poursuit le rapport des hommes de l'ordre. L'équipage letton était au milieu d'une côte, il s'est arrêté immédiatement.[...]
L'enfant a été très vite enterré, parce qu'il était musulman et que la morgue n'est pas équipée pour garder les morts. Ce jour-là, raconte le Dr Yeamou Marcel, «il y a eu assez d'agitation et nous avons eu la visite de nos amis médecins du Dakar, qui nous ont laissé du petit matériel de stérilisation et des pansements. C'est un petit geste, mais c'est symboliquement grand et je les en remercie. On est toujours nécessiteux». Et puis, ajoute-t-il, événement notable dans un pays où le courant électrique est une rareté, «on a pu faire des radios». Celles des trois hommes de sécurité touchés par les cailloux lancés par des jeunes, impatients d'approcher les concurrents.

Il y avait beaucoup de monde en ville, ce jour-là, pour le week-end de la Tabaski, la fête du sacrifice, et pour le Dakar. «Quand les concurrents sont arrivés, la foule était telle qu'elle s'ouvrait au gabarit des véhicules, se souvient Alassane Camara, de la Fédération guinéenne des sports mécaniques. Un motard s'est mis debout sur son engin et a fait une démonstration.» Le public délire de joie et tente de se forcer un passage jusqu'aux participants. «Les forces de sécurité ont voulu agir, elles se sont fait taper. Mais c'était juste de l'euphorie. J'ai vu des gens ôter la poussière sur un blouson de motard et se bagarrer pour garder un peu de cette poussière sur les mains.» Les festivités sont néanmoins interrompues, les musiciens remballent leurs instruments. Ça aurait pu être pire, confirme le médecin de Labé. «On peut dire que ça s'est bien passé. Notre seul regret, c'est ce petit. La dernière fois, je me souviens, le chauffeur avait voulu voir le corps de l'enfant.» En 1996, déjà, une fillette de 3 ans avait été mortellement blessée en Guinée par un motard. «Mais vous savez, les gens ici sont très religieux, ça permet de supporter. Ce qui arrive a été décidé à l'avance, c'est ancré dans les têtes [...]
Les yeux de l'instituteur se mouillent quand il parle de l'enfant : «Un gentil garçon, il était bon en mathématiques.» Les élèves répondent en choeur : «Oui monsieur» quand il leur demande si le Dakar est une bonne chose. Des petites mains se lèvent pour dire qu'il faut que le rallye revienne, mais qu'il ne doit pas tuer les enfants.» (Libération, 06-02-06)

"La religion est le soupir de la créature opprimée, la chaleur d'un monde sans coeur, comme elle est l'esprit de condition sociales d'où l'esprit est exclu. Elle est l'opium du peuple. Abolir la religion en tant que bonheur illusoire, du peuple c'est exiger son bonheur réel. Exiger qu'il renonce aux illusions sur sa situation c'est exiger qu'il renonce à une situation qui a besoin d'illusions. La critique de la religion est donc en germe la critique de cette vallée de larmes dont la religion est l'auréole" (Marx, Contribution à la critique de la philosophie du droit de Hegel, 1844)