23.12.06

Evolution du réformisme

Dans Le Point du 21-12-06, Claude Imbert (vous savez, l'éditorialiste qui s'affirme lui-même "un peu islamophobe"), a redit son admiration pour Ségolène Royal.

"Faute d'avoir épousé le réformisme social-démocrate de ses grands voisins européens, faute d'avoir renoncé aux démagogies du "gagner plus en travaillant moins", le vieux parti sombrait dans l'archaïque".
Avec elle l'hégémonie politique du patronat sera presque totale, et Imbert s'en félicite: "Le couple Sarko-Ségo reproduit avec bonheur le couple alternatif de toutes les grandes démocraties modernes"

On peut lire à ce sujet un petit texte sur l'excellent blog de Sébastien Fontenelle.

Pour ma part, il me semble que même si la transformation du PS s'accélère, ce parti est encore assez différent du SPD ou du New Labour Party. Avec l'échec du rassemblement pour une candidature unitaire antilibérale, l'alignement du PS sur le social-libéralisme européen devient plus facile...
Heureusement, le rassemblement unitaire visait plus loin que les présidentielles (les prochaines luttes sociales, les élections municipales... Et à terme, la création d'un grand parti anticapitaliste). Et une bonne partie des militants va continuer (voir la fin du texte ci-dessous).

DÉCLARATION DE PORTE PAROLE DU COLLECTIF NATIONAL POUR DES CANDIDATURES UNITAIRES ANTI-LIBÉRALES

Comme nous le redoutions, le Parti communiste vient de décider de la candidature de Marie-George Buffet.

Nos appels à la responsabilité n’auront donc pas été entendus. Les résultats de la seconde consultation des collectifs unitaires anti- libéraux, qui commencent à peine à remonter, n’auront pas davantage été pris en compte. C’est d'autant plus regrettable qu'une rapide analyse de ceux déjà reçus démontre au moins une chose : une volonté très majoritaire de ne pas s'en tenir à l'échec et de continuer à rechercher un consensus.

La direction du PCF n’aura, en réalité, à aucun moment voulu envisager une autre hypothèse que la présentation de sa secrétaire nationale.

Un coup terrible est ainsi porté à la perspective de candidatures unitaires de la gauche anti-libérale, à l’élection présidentielle et aux élections législatives. Le travail de milliers de militantes et de militants, au sein des collectifs, est nié, avec pour seul effet prévisible d’éparpiller les voix des électrices et électeurs qui auraient pu se reconnaître dans notre rassemblement. Des millions d’hommes et de femmes de gauche, qui s’étaient pris à espérer en une autre voie à gauche, dans la foulée de la campagne du « non » de gauche au TCE, s’en retrouvent à présent confrontés au risque de n’avoir le choix, en avril prochain, qu’entre des candidats de témoignage et la représentante d’un Parti socialiste qui accentue chaque jour son cours social-libéral.

Nous prenons acte, en la déplorant, de la décision du PCF. La candidature de Marie-George Buffet portera donc les seules couleurs de ce parti. Elle ne pourra ni incarner, ni se revendiquer de l’expérience inédite qui nous aura, des mois durant, réuni dans des centaines de collectifs de terrain ou dans ces grands meetings qui auront rassemblé des dizaines de milliers de participants.

Nous voulons, à cet égard, mettre solennellement en garde les dirigeants du PCF contre toute tentation de s’approprier la légitimité du processus unitaire pour l’élection présidentielle qu’ils ont choisi de ne pas construire jusqu’au bout. Nous pensons notamment au tract diffusé massivement suite au vote des militants communistes.

Pour notre part, nous aurons jusqu’au dernier instant cherché à éviter l’irréparable, réfléchi à des solutions permettant d’aboutir à un accord sur le nom appelé à figurer sur le bulletin de vote, tenté d’aboutir à un double consensus entre les collectifs et les sensibilités politiques.

Nous ne résignons pas à l’échec et à l’impuissance de la gauche antilibérale.
Nous ne voulons pas, à notre tour, nous dérober à la nécessité de battre la droite et de construire une alternative à la gauche sociale-libérale.

Les collectifs représentent un cadre précieux de réflexion et d’action. C’est pourquoi nous avons proposé que le Collectif national pour des candidatures unitaires, réuni le 21 décembre, les appelle « à réfléchir ensemble aux moyens de poursuivre le combat pour une autre voie à gauche ». C’est dans le même esprit que nous estimons nécessaire qu’ils se retrouvent à l’occasion d’une nouvelle réunion nationale, les 20 et 21 janvier prochains, pour confronter leurs réflexions, tirer conjointement le bilan de leur action, dégager des perspectives pour le futur. Nous leur faisons aujourd’hui cette proposition, en regrettant que la délégation du PCF au Collectif national n’ait pas jugé cette perspective opportune à ce stade.

Les liens tissés entre militants de traditions et de cultures différentes, les avancées réalisées à travers les textes « Ambition- Stratégie », comme à travers les 125 propositions du projet de programme, ne peuvent être bradés. Ils constituent un patrimoine commun précieux pour ouvrir demain une nouvelle perspective à gauche.

Hamida BEN SADIA - Jean-Jacques BOISLAROUSSIE - Pierre CARASSUS - France COUMIAN - ÉRIC COQUEREL - Claude DEBONS - Christian PICQUET - Claire VILLIERS. Clémentine AUTAIN - Patrick BRAOUEZEC - Yves SALESSE

23.11.06

Rwanda: Bruguière fait diversion

Après avoir fermé les yeux sur le génocide, puis protégé les génocidaires contre les représailles du FPR, l'impérialisme français tente de se défausser sur Kagame, chef du FPR (soutenu à l'époque par l'impérialisme américain...). Deux articles de Libération, publiés le 23/11/06, permettent d'y voir un peu plus clair après les surprenantes déclarations du juge Bruguière au sujet de l'attentat du 6 avril 1994 contre l'avion du Président du Rwanda (Habyarimana). Kagame en était probablement responsable. Est-ce à dire qu'il a "déclenché" le génocide?

Rwanda
Une relecture ambiguë de l'histoire
Le juge Bruguière occulte le fait que le génocide avait été préparé depuis des années
Par Christophe AYAD (Libération)

[...] L'initiative du juge Bruguière ne manquera pas de relancer le débat et, déjà, les cercles hutus militants et anti-Kagame s'agitent sur l'Internet pour renverser la charge du génocide. En substance, leur raisonnement est le suivant : tout le monde savait qu'un tel acte provoquerait des massacres de Tutsis à grande échelle et une réaction terrible des Hutus ; celui qui a commis l'attentat a agi en connaissance de cause ; Paul Kagame, le chef tutsi du Front patriotique rwandais (FPR), grandi en exil en Ouganda, porte la principale responsabilité du massacre des Tutsis de l'intérieur, qu'il a sacrifiés à son but de guerre. Une variante, plus militante, attribue même à Kagame l'intention d'avoir provoqué un génocide en connaissance de cause, pour pouvoir se prévaloir de la «légitimité des cadavres».

Sans aller jusque-là, le juge Bruguière s'inscrit dans cette logique. Il écrit sur un ton parfois plus pamphlétaire ou polémique que juridique : «Le général avait délibérément opté pour un modus operandi qui, dans le contexte particulièrement tendu régnant tant au Rwanda qu'au Burundi entre les communautés hutue et tutsie, ne pouvait qu'entraîner en réaction des représailles sanglantes envers la communauté tutsie qui lui offriraient le motif légitime pour reprendre les hostilités et s'emparer du pouvoir avec le soutien de la communauté internationale.» Dans un autre passage, le juge insiste sur le caractère «prémédité» de l'attentat, qui aurait été décidé dès fin 1993. Cette précision n'a rien d'un détail. Les avocats des présumés responsables du génocide, jugés devant le Tribunal pénal d'Arusha (TPIR), cherchent à prouver qu'il n'avait rien de planifié ni prémédité : un massacre de masse spontané, en somme. Si jamais la préméditation est le fait de Kagame, les hauts responsables hutus extrémistes de l'époque s'en trouveraient disculpés... D'où la bruyante satisfaction exprimée mardi depuis Arusha par les avocats de la défense auprès du TPIR.

Ce raisonnement -­ et celui de Bruguière dans une moindre mesure ­- comporte une faille majeure : si le génocide a démarré aussi rapidement, avec autant d'efficacité meurtrière, c'est qu'il était en germe, préparé en quelque sorte. Tout ce débat autour de qui a abattu l'avion occulte des faits précis et connus : la propagande de la radio Mille Collines et des médias de la haine, la formation et l'entraînement des milices Interahamwe, le massacre des populations d'ethnie bagogwe dans le nord du Rwanda en 1991, les massacres de grande ampleur de Tutsis (quelque 20 000 morts) au Bugesera en mars 1992, qui préfiguraient le modus operandi du génocide avec la participation conjointe de gendarmes, de miliciens et de simples paysans ... Au point que certains vont jusqu'à dire qu'un génocide (rampant) avait déjà commencé quand l'avion a été abattu.


Un ennemi résolu de la France
Ex-guérillero, Kagame a conquis le pouvoir contre la volonté de Paris.
Par Thomas HOFNUNG (Libération)

[...] Pour Kagame, l'enquête du juge Jean-Louis Bruguière n'est qu'une énième tentative de déstabilisation de Paris. Une nouvelle preuve de la volonté des Français de continuer leur guerre contre lui par d'autres moyens. «Cela ne veut rien dire qu'un juge en France dont je ne peux même pas prononcer le nom ait quelque chose à dire au sujet du Rwanda et veuille juger un président et des responsables de son gouvernement», a-t-il martelé, hier, ajoutant que la France «devrait d'abord se juger elle-même, car elle a tué notre peuple».

Bruguière, un nom qui, au sens propre, reste en travers de la gorge du président rwandais. Car Kagame n'est ni francophile ni francophone. En 1961, il a 4 ans lorsque ses parents, des Tutsis apparentés à un clan de sang royal, doivent fuir les pogroms de la majorité hutue pour se réfugier en Ouganda. C'est dans ce pays anglophone qu'il se lie avec un jeune homme promis à un bel avenir, Yoweri Museveni. Après des années de guérilla dans le bush, Museveni prend le pouvoir à Kampala et nomme comme chef des renseignements un étranger dans lequel il a toute confiance : Paul Kagame.

Formé à bonne école, mais aussi dans une académie militaire du Kansas, aux Etats-Unis, ce guérillero longiligne, qui dépasse le mètre quatre-vingt-dix, à l'allure d'intellectuel avec ses fines lunettes rondes, participe à la création du FPR, une machine de guerre lancée à la conquête du pouvoir à Kigali. Car Kagame n'a qu'un rêve : rentrer chez lui. Juste retour des choses, il peut compter pour y parvenir sur l'aide de Museveni ­ lui-même soutenu activement par Washington. Mais sur sa route se dresse un obstacle de taille : la France, qui, sollicitée par Habyarimana, s'engage politiquement et militairement aux côtés du régime de Kigali. En 1992, Kagame se rend à Paris pour des discussions secrètes, et garde de son voyage un souvenir cuisant : manoeuvre d'intimidation ou gaffe des services de police, il est jeté en prison durant plusieurs heures, avant d'être relâché sans un mot d'excuse.

Critiques. En juillet 1994, le FPR s'empare du pouvoir à Kigali, dans un pays parsemé de charniers. Kagame est nommé ministre de la Défense, mais dans les faits, il dirige le pays. Deux ans plus tard, il parraine, avec son ami Museveni, l'arrivée de Kabila père au pouvoir à Kinshasa, après une offensive éclair de plusieurs milliers de kilomètres. Longtemps, malgré les soupçons de massacres à grande échelle des Hutus réfugiés au Congo par ses troupes, Kagame a bénéficié de la mansuétude de ses alliés américain et britannique. Mais son interventionnisme persistant dans l'ex-Zaïre, dont Kigali pille allégrement, selon l'ONU, les ressources minières, suscite des critiques croissantes. Mais pas au Rwanda, où aucune voix discordante ne se fait entendre. En 2003, Kagame le Tutsi, qui a banni toute mention ethnique sur les documents officiels, a été élu président par une majorité de Hutus. Une majorité silencieuse.


INFORMATIONS SUPPLEMENTAIRES
Un rapport de la «National Security Archive» démontre que l'impérialisme américain savait: http://www.gwu.edu/~nsarchiv/NSAEBB/NSAEBB117/

13.11.06

Cela n'a rien de comique

A la fête du FN, était donc présent Dieudonné. Il est arrivé accompagnant l'ancien conseiller régional d'Ile-de-France frontiste, Farid Smahi. Libération affirme même que Dieudonné était "affublé d'un pin's «Le Pen Président», qu'il retire prestement." (13-11-06).
Pas très étonnant si l'on examine sa trajectoire récente. On se souvient de certains de ses infâmes propos (genre: "Le racisme a été inventé par Abraham", 23 janvier 2002 - Lyon Capitale. Ou: "Les juifs ont souffert moins que les noirs" Février 2005, Le Quotidien d'Oran). On sait moins qu'il exprime régulièrement sa solidarité envers les dirigeants du FN.


Dieudonné soutient la "liberté d'expression" du FN...
Après la suspension de Gollnisch à l'Université Lyon III, Dieudonné avait affirmé: "quand je vois ce qui se passe aussi avec M. Gollnisch, retirer son travail à quelqu'un sans que la justice ait pu se prononcer. On est dans un Etat de droit, sous la pression d'un lobby qui se croit tout permis dans ce pays". Parler de "lobby" dans une affaire de révisionnisme n'est pas un hasard (1).
Dieudonné dresse fréquemment un parallèle entre sa situation et celle de Le Pen: "plus ils cassent Le Pen, plus les gens votent pour lui. Plus on me casse moi, plus on vient me voir. Ils sont en train de perdre leur pouvoir, les sionistes. Tant mieux" (dans le journal algérien L'Expression ). En mai 2006, Dieudonné accorde un entretien au journal « Le choc du mois » (dirigé par Jean Marie Molitor, également directeur de "Minute") et affirme au sujet de Le Pen : "Il est la vraie droite, je suis la vraie gauche. Le Nouvel Empire n'aime ni les uns ni les autres ».

... et vice-versa
Le directeur de campagne de Dieudonné (avant qu'il n'abandonne, le 11 octobre, l'idée de se présenter à la présidentielle) n'était autre que Marc Robert: un ancien du FN (2)
Lors de ses déboires avec la justice, Dieudonné avait reçu le soutien de Hugues Petit, conseiller régional Front National Rhône-Alpes et proche de Bruno Gollnisch : « Je soutiendrai sans réserve Dieudonné s'il est poursuivi au nom de la loi Gayssot pour ses derniers propos ».
Au Bourget, Le Pen était heureux de la présence de celui qui peut à la fois lui servir d'alibi électoral (contre l'accusation de racisme) et de gage envers la fraction antisémite de son parti: "S'il me manquait une voix pour être élu à la présidentielle, et bien je serais bien content que ce soit celle de Dieudonné. C'est un Français comme les autres. Il est le bienvenu à la fête de l'union patriotique".

Complications
Bien sûr cela ne ravit pas tout le monde au FN. Il y a ceux qui insultent celui qu'ils qualifient de "sale nègre". Il y a aussi ceux qui, comme Marine Le Pen, estiment que la présence de Dieudonné va encore ternir l'image du FN.
Le FN risque d'éclater à la mort du borgne. Tant mieux.

Libération a remarqué la présence d'un autre invité surprise au Bourget: "Dans le même temps, le président de la Ligue de défense juive (LDJ), Anthony Attal, arpentait, lui aussi, les stands. Autre signe, sans doute, de «l'ouverture» du FN..."
Ce que ne dit pas Libé, c'est que la LDJ, qui s'affiche publiquement en France, dans les manifs du CRIF et dans ses centres d'entraînement, est une organisation interdite aux USA et en Israël, pour violence et racisme.
Le 20 janvier 2005, un groupe (5-6 individus) de la LDJ a attaqué, par trois fois, des syndicalistes qui faisaient signer un appel de solidarité avec les travailleurs et syndicalistes palestiniens. C'était lors d'une manifestation unitaire de défense des services publics. Heureusement les fonctionnaires qui défilaient ont immédiatement protégés les syndicalistes agressés. Une jeune femme a toutefois été légèrement blessée. Des manifestants ont pu photographier les agresseurs.
Le procureur de la République a décidé de poursuivre Anthony ATTAL pour "violence en réunion et incapacité de travail n'excédant pas huit jours". Cet individu ayant déjà été condamné, pour des faits semblables, à dix mois de prison avec sursis et deux ans de mise à l'épreuve, il devrait être condamné à de la prison ferme (3).

NOTES:
(1) Voir ce blog sur Dieudonné et le négationnisme
(2) Le cabinet de campagne de Dieudonné comprenait aussi Ginette Hess Skandrani, antisémite exclue des Verts pour avoir publié des textes sur un site négationniste (fermé depuis par la justice) et dans un journal négationniste tunisien. Elle soutenait, selon elle, "un candidat impertinent qui dénonce toutes les atteintes à la liberté de pensée, d’expression et de recherche pour tous les historiens"
(3) Pour soutenir cette courageuse jeune femme: MERCREDI 15 NOVEMBRE, à 9 H, salle d'audience de la
16ème chambre / TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE PARIS, 4 BOULEVARD DU PALAIS, MÉTRO CITÉ.

10.11.06

Continuités impérialistes

Le Washington Times a noté que si les démocrates ont gagné, c'est grâce à " des candidats favorables à une baisse des impôts, au second amendement [sur le droit au port d'une arme], ou même anti-avortement".

Ce n'est pas sur le thème des "valeurs" ni sur leur programme économique que les démocrates se sont démarqués. "La défaite des républicains est perçue aux Etats-Unis comme un désaveu de la politique de George Bush en Irak. Le président a lui-même donné du crédit à cette lecture en remplaçant dès mercredi son secrétaire à la défense, Donald Rumsfeld, par l'ancien directeur de la CIA Robert Gates" (Le Monde, 09-11-06).

Mais ce "désaveu" ne signifie pas que le retrait est proche, car il ne porte que sur les modalités de la guerre. Les démocrates ne sont pas opposés à la guerre en Irak. Encore moins à celle d'Afghanistan.

Durant la campagne, Clinton a d'ailleurs passé son temps à jouer les va-t-en-guerre. Dans un entretien accordé à Chris Wallace, journaliste de Fox News, il a rappelé que les démocrates étaient "à cent pour cent pour les actions en Afghanistan". Il a même affirmé: « Après [l’attentat à la bombe du destroyer américain] Cole, j’ai planifié d'aller en Afghanistan, de renverser les talibans et de lancer une attaque à grande échelle pour trouver ben Laden. » Après avoir expliqué pourquoi il n'a pas pu le faire, Clinton a continué en déclarant : « Si j’étais toujours président, nous aurions plus que 20 000 soldats là-bas pour tuer [Oussama ben Laden] » .

Opinion partagée par le candidat malheureux à la présidentielle, John Kerry. Dans un commentaire rédigé pour la page éditoriale du Wall Street Journal, il regrette l'opposition grandissante à l'occupation américaine de l'Afghanistan, et déclare: « Nous devons modifier notre trajectoire, en commençant par le déploiement immédiat d'au moins 5000 soldats américains de plus. »

2.11.06

Oaxaca, photos (suite)

La suite des photos de la BBC:



31.10.06

Répression à Oaxaca

Les médias français avaient pratiquement ignoré les affrontements qui ont eu lieu pendant 5 mois à Oaxaca (capitale de la province mexicaine du même nom). A partir du moment où un journaliste Etats-Uniens a été malencontreusement abattu par la police mexicaine, les rédactions se sont un peu réveillées. Il y avait pourtant déjà eu une quinzaine de morts parmi les militants de gauche.

On trouve quelques informations dans les médias étrangers. La photo ci-dessous montre la marche qui devrait bientôt atteindre Mexico. Elle est tirée du site du Guardian, les autres sont extraites de celui de la BBC.

Petit rappel: la grève des enseignants, amorcée le 22 mai dernier, avait pour mot d'ordre initial une indexation des salaires sur l'inflation. La répression fut très violente, notamment le 14 juin. Depuis, le mouvement s'est élargi aux paysans et s'est politisé. Il exige la démission du gouverneur Ulises Ruiz (affilié au PRI et élu de façon frauduleuse) et la libération des prisonniers politiques. La droite (le PAN dont est issu V. Fox) a d'abord soutenu Ruiz, de peur que de nouvelles élections ne profitent au PRD. Mais la situation est devenue trop instable à leur goût: lundi les députés du PAN et du PRD ont voté une motion exigeant le départ de Ruiz. Celui-ci s'accroche toujours.

Il faut aussi remarquer que des centaines de milliers de Mexicains des environs sont venus soutenir les insurgés: tandis que Oaxaca compte environ 200 000 habitants, certaines manifestations ont frôlé le million de participants. Le mouvement est organisé: l'Assemblée populaire des peuples d'Oaxaca (APPO) a géré la ville de façon autonome durant plusieurs mois.

Dimanche dernier, 4000 policiers fédéraux ont investi la ville avec leur équipement anti-émeute. Ils ont repris le contrôle de la grande place de la ville, qui constituait le principal lieu de convergence des grèvistes. Bilan: 3 ou 4 morts, dont un adolescent de 14 ans.

En fin d'article, Le Monde nous annonce sur un ton très flegmatique: "L'ONU a par ailleurs demandé aux autorités mexicaines d'ouvrir une enquête sur les circonstances dans lesquelles sont mortes les quinze personnes tuées au cours des cinq derniers mois, apparemment des militants de gauche, le plus souvent tuées par balle sur des barricades. La ville mexicaine, très appréciée des touristes pour son centre-ville historique et les vestiges archéologiques des environs, commence à porter les marques de cinq mois d'agitation."

Les manifestants de Oaxaca ont reçu le soutien de l'Armée zapatiste de libération nationale (EZLN), qui a appelé à un blocage des routes mercredi et à une grève nationale le 20 novembre.

18.10.06

Il ne nous manque pas

Il a récemment dit: "Les forces de la France sont au coeur des Français"

Excellent, non? Alors devinez qui est l'auteur de cette merveilleuse pensée.

Vous ne voyez pas ? Un petit indice. Il a aussi dit:

" The Yes needs the No to win, against the No..." (France 2)
"La route est droite mais la pente est forte" (Libération, 31 mai 2005)
" les syndicats aujourd'hui sont d'accord pour l'union du non mais ils ne sont pas d'accord pour une union du oui. Ils ont une négative attitude. Ils n'ont pas une positive proposition "
" Il faut garder la Positive Attitude"
"Je veux dire aux jeunes que la jeunesse c'est leur visage"
"L'avenir est une suite de quotidiens"
"L'homme doit rester l'origine de notre pensée et non l'objet de la société"

Toujours pas?
Deuxième indice: on le surnomme le bossu du Poitou.

Bon, dernier indice: face à des millions de grèvistes mécontents de voir leurs retraites saccagées, il a affirmé: "La rue doit s'exprimer mais ce n'est pas la rue qui gouverne"

16.10.06

Hanna Arendt

Elle est née en Allemagne il y a un siècle tout juste. Aussi en entend-on beaucoup parler ces jours-ci. Deux petits commentaires.

J'aime: sa réflexion sur la "banalité du mal". Lors de la publication de ses chroniques sur le procès d'Adolf Eichmann (à Jérusalem en 1961), elle était en conflit avec une grande partie de la presse israëlienne. Pour de bonnes raisons, il me semble. Elle a juste remarqué ce que la ligne de défense d'Eichmann ("j'ai suivi les ordres")impliquait: celui qui fut nommé "administrateur du transport" lors de la conférence de Wannsee (janvier 1942), c'est-à-dire celui qui fut chargé de mettre en place la "solution finale", n'était ni un fou ni un "monstre" mais un homme ayant décidé d'obéir jusqu'au bout. Les gens comme lui étaient "effroyablement normaux". Dans son témoignage sur Auschwitz, Primo Levi a écrit : "Ils étaient faits de la même étoffe que nous, c’étaient des êtres humains moyens, moyennement intelligents, d’une méchanceté moyenne : sauf exception, ce n’étaient pas des monstres, ils avaient notre visage".

En revanche, je n'aime pas: l'idée (fausse) selon laquelle le stalinisme et le nazisme sont l'expression d'un même mouvement de destruction, le "totalitarisme". Il faut étudier et critiquer chacun de ces deux systèmes plutôt que de tenter de les rapprocher à tout prix. Arendt tente de théoriser les ressemblances au niveau de la propagande (utilisation de la terreur et du mensonge), de l'organisation ("l'Etat total") et de la police secrète. Il existe des points communes. Mais cette comparaison, bien que nettement supérieure aux âneries de Stéphane Courtois, amène Arendt à commettre plusieurs erreurs. Elle affirme "utiliser le mot totalitaire avec parcimonie et prudence". Mais la méthode demeure abusive.

5.10.06

USA: la guerre et les élections

Aux USA, les élections de mi-mandat se dérouleront le 7 novembre 2006. Elles concernent les deux chambres du Congrès :
  • La totalité des 435 sièges de la Chambre des Représentants (ou "chambre basse") sont remis en jeu. La Chambre compte actuellement 231 republicains, 201 démocrates, un indépendant et deux sièges vacants.
  • Au Sénat, 33 des 100 sièges feront l'objet d'un vote, le Sénateur étant élu pour 6 ans (un tiers des mandats du Sénat sont renouvelés tous les deux ans).Sur les 33 sièges remis en jeu, 17 sont occupés par des démocrates, 15 par des républicains et 1 par un indépendant.
A la Chambre des Représentants, les démocrates doivent donc conquérir 30 sièges (chacun des 50 Etats a un nombre de siège en fonction de son poids démographique) pour obtenir la majorité. Au Sénat, les démocrates doivent donc conquérir 6 des 16 Etats "adverses" (et ne perdre aucun des 17 dont ils disposent) pour obtenir la majorité... Cela paraît très peu probable. Au niveau national, l'opposition démocrate bénéficie de 53% des intentions de vote contre 43% seulement pour le parti républicain, selon un sondage publié le 5 septembre par CNN.

Tout dépend de l'évolution de la tendance jusqu'au jour du scrutin et de la répartition territoriale des suffrages mais le résultat le plus probable est une Chambre des Représentants démocrate et un Sénat républicain.

La bonne nouvelle est que l'une des raisons pour lesquelles le parti républicain risque de perdre des sièges est une opposition croissante à l'occupation de l'Irak. Voici le résultat d'un sondage réalisé en mars 2006 par TNS pour ABC News/Washington Post. La majorité des personnes interrogées désapprouvent la politique de Bush en Irak et estiment que "cela ne valait pas le coup". Ils ne font pas pour autant confiance aux démocrates qui, rappelons-le, était favorables à la guerre! Si les démocrates en profitent c'est uniquement grâce au système de bipartisme...
En dépit d'une nette diminution de la proportion de ceux qui estiment que la guerre a contribué à la sécurité des Etats-Unis, les personnes interrogées demeurent encore très partagées sur cette question : la propagande de Bush n'est pas encore complètement discréditée. Voici les détails (j'indique entre parenthèses les résultats du même sondage un an et deux ans plus tôt):

"Do you approve or disapprove of the way Bush is handling the situation in Iraq?"
Approve 40% (mars 2005: 39%) (mars 2004: 46%)
Disapprove 59% (mars 2005: 57%) (mars 2004: 53%)
Unsure 1% (mars 2005: 4%) (mars 2004: 1%)

"All in all, considering the costs to the United States versus the benefits to the United States, do you think the war with Iraq was worth fighting, or not?"
WorthFighting 42% (mars 2005: 45%) (mars 2004: 52%)
Not WorthFighting 57% (mars 2005: 53%) (mars 2004: 44%)
Unsure 1% (mars 2005: 2%) (mars 2004: 3%)

"Do you think the war with Iraq has or has not contributed to the long-term security of the United States?"
Has 50% (mars 2005: 52%) (mars 2004: 57%)
Has Not 48% (mars 2005: 46%) (mars 2004: 40%)
Unsure 2% (mars 2005: 2%) (mars 2004: 3%)

"Do you think the Bush Administration does or does not have a clear plan for handling the situation in Iraq?" [ Asked of half the sample ]
Does 34% (mars 2005: 42%) (mars 2004: 43%)
Does Not 65% (mars 2005: 57%) (mars 2004: 53%)
Unsure 1% (mars 2005: 2%) (mars 2004: 3%)

"Do you think the Democrats in Congress do or do not have a clear plan for handling the situation in Iraq?" [Asked of half the sample ]
Does 24%
Does Not 70%
Unsure 6%

"Do you think the number of U.S. military forces in Iraq should be increased, decreased, or kept about the same?" [Options rotated ]

Increased 11% (mars 2005: 15%)
Decreased 52% (mars 2005: 44%)
Same 34% (mars 2005: 36%)
Unsure 3% (mars 2005: 4%)

Pour finir, voici un bref discours du chanteur américain Saul Williams sur la guerre en Irak:
http://68.178.176.58/sw/sw_nionpledge.mp3

28.9.06

Infos-irak n°16

Sommaire

1/ Deux rapports du Pentagone et du Sénat américain viennent d’établir officiellement ce que tout le monde savait déjà : l’administration Bush a menti sur les raisons de la guerre et la situation actuelle en Irak est extrêmement instable.
2/ De nouvelles informations sur les exactions des troupes impérialistes et sur les manoeuvres législatives visant à garantir l'immunité des tortionnaires de la CIA.
3/ Il y a exactement trois ans, un conseiller de Bush, Richard Perle, affirmait: "Je serais très surpris que d'ici un an, il n'existe pas un grand parc à Bagdad auquel on donne le nom du President Bush. Il ne fait aucun doute qu'à l'exception d'un tout petit nombre de personnes proches de ce régime vicieux, le peuple d'Irak a été libéré et les gens savent qu'ils ont été libérés. Il est chaque jour plus facile aux irakiens d'exprimer ce sentiment de libération". Infos-Irak diffuse une traduction d'un extrait d'un texte de Stephen Zunes (L’Irak, trois ans après la " Libération"). L'article contient quelques chiffres intéressants sur la situation économique et sociale de l'Irak.

Secrets de polichinelle

Il y a encore trois semaines, George Bush affirmait que " Saddam Hussein avait des liens avec Al-Zarqawi ". Un rapport du Sénat américain, fondé sur un rapport de la CIA, vient d’apporter un démenti officiel cinglant à cette thèse. Les quelques rencontres entre des officiels irakiens et des membres d’Al-quaeda durant les années 90 n’ont été suivies d’aucune coopération. " Saddam Hussein se méfiait d’Al-quaeda, considérait les extrêmistes islamistes comme une menace pour son régime et refusait toute aide matérielle ou opérationnelle à Al-quaeda ". Le rapport pointe aussi les informations erronées fournies par certains groupes de l’opposition irakienne. Téléchargement ici (il s’agit de la seconde partie des travaux du Sénat : un premier rapport avait dénoncé les mensonges relatifs à l’armement supposé du gouvernement irakien).

La situation sur le terrain est de plus en plus violente. Dans un rapport publié le 1er septembre, le Pentagone estime que les conditions d’une guerre civile sont réunies en Irak et que l’insurrection demeure " puissante et viable ". Il note également que le nombre d’attaques a augmenté de 15% depuis le début de l’année. Le nombre de victimes, chez les Irakiens, a bondi de 51% (120 morts par jour en moyenne). Le nombre hebdomadaire d'attentats est de 792.

2/ Les exactions des troupes impérialistes et de la CIA

La BBC a diffusé en juin 2006 les images de plusieurs civils irakiens qui ont été délibérément abattus par les troupes américaines le 15 mars à Ishaqi (100 km au nord de Bagdad). Cinq femmes, deux hommes et quatre enfants ont trouvé la mort dans un raid contre une maison selon la police irakienne. Un photographe de l'AFP a vu sur place les corps de plusieurs enfants. Le porte-parole de l'armée américaine a affirmé : " L'enquête a révélé que le commandant sur le terrain avait capturé et tué des terroristes, tout en respectant les règles d'engagement et d'usage de la force en Irak "…

Le 18 aout 2006, le New York Times a révélé que les soldats américains impliqués dans le massacre de civils irakiens le 19 novembre 2005 à Haditha, en Irak, ont détruit ou caché des preuves. Ces soldats sont soupçonnés d'avoir tué de sang-froid au moins vingt-quatre civils, parmi lesquels sept femmes et trois enfants, en représailles à la mort de l'un des leurs dans un attentat. L'armée américaine a versé aux survivants 2 500 dollars par civil mort et quelques centaines de dollars aux blessés. Quelle générosité !

Suite à un rappel à l’ordre de la Cour suprême américaine, en juin dernier, au sujet des actes de torture, le Congrès a examiné un projet de loi de la Maison Blanche visant à mettre hors de portée de la justice les tortionnaires de la CIA. Le projet reposait sur une interprétation très particulière de l'article 3 des conventions de Genève de 1949. Il permettrait aux agents de la CIA de poursuivre leurs actes de torture sur les présumés " terroristes " dans des prisons secrètes. Il protégerait rétroactivement la CIA contre d'éventuelles poursuites en amendant la législation américaine contre les crimes de guerre. Pour le Sénateur Républicain John McCain, toute "interprétation restrictive [de l'article 3 des conventions de Genève] sapera la crédibilité des Etats-Unis sur la scène internationale". "Si des traitements humiliants, dégradants, et des brutalités physiques et mentales sont permis, nous n'aurons rien à objecter dans le cas où ces pratiques barbares seraient infligées à des prisonniers américains", a-t-il averti. Il a proposé, avec Colin Powell et de nombreux députés démocrates, un texte alternatif. Les organisations de défense des droits de l'homme ont toutefois dénoncé ce texte qu’elles jugent insuffisant.

Pour de toutes autres raisons, John Negroponte, l'actuel directeur des services secrets nationaux, a qualifié le projet de loi alternatif d' "inacceptable". Ce criminel de guerre, qui fut le maître d'oeuvre des opérations secrètes visant à écraser le gouvernement sandiniste du Nicaragua, refuse que l’on impose des "limites intolérables" aux méthodes utilisées par les officiers des services secrets pour faire parler les suspects.

Finalement, un "compromis" a été trouvé entre les deux projets. Michael Ratner, président du Centre pour les droits constitutionnels (CCR), a dénoncé la "capitulation presque complète" de M. McCain. " [Le texte] permet au président Bush de passer sa propre interprétation des Conventions de Genève par un ordre exécutif et il protège la CIA et les personnels militaires de poursuites pour des violations passées", a-t-il ajouté.

3/ L’Irak, trois ans après la " Libération "

Stephen Zunes, "Iraq Three Years after 'Liberation'" (Silver City, NM and Washington, DC: Foreign Policy In Focus, April 21, 2006).

" Plus de 50 000 irakiens ont été emprisonnés par les forces militaires des Etats-Unis depuis l’invasion, mais seulement 1,5% d’entre eux ont été déclarés coupables d’un crime ou d’un délit. Les forces états-uniennes détiennent en permanence 15 000 à 18 000 prisonniers irakiens, ce chiffre est plus élevé que sous Saddam Hussein. Amnesty International et d’autres associations de défense des droits de l’homme ont accusé l’armée américaine de violations flagrantes du droit humanitaire international, notamment de tortures et de viols de prisonniers.

[…] Les décès dus à la malnutrition et aux maladies curables, augmentent de nouveau, surtout parmi les enfants. La fourniture d’eau potable, la probabilité d’avoir de l’électricité, et le fonctionnement des égouts se sont détériorés depuis l’invasion.

Plus de la moitié de la force de travail est au chômage, et le coût de la vie a flambé. Le revenu médian des Irakiens a diminué de plus de 50%. Le programme des Nations Unis pour l’alimentation (WFP) rapporte que le peuple irakien souffre de sévères pénuries de riz, de sucre, de lait et de nourriture pour enfant ; le WFP estime que 400 000 enfants irakiens souffrent de ‘dangereuses carences en protéines’. La production pétrolière, principale source de revenus du pays, n’atteint même pas la moitié de ce qu’elle était avant l’invasion. Et bien que l’administration Bush promette d’injecter des milliards de dollars pour aider à la reconstruction des infrastructures civiles, seule une petite partie de ces projets ont été menés à bien, la plupart ayant été annulés. Près d’un million d’irakiens, la plupart issus des classes moyennes éduquées, ont quitté le pays pour fuir la violence et les privations engendrées par l’invasion américaine.

[…] En Irak, le sentiment anti-américain ne cesse de grandir. Curieusement, ceux qui soutiennent la politique de Bush ne peuvent comprendre pourquoi. Par exemple, le conseiller de l’administration Bush, Daniel Pipes, fervent partisan de l’invasion, a exprimé sa déception vis-à-vis de "l’ingratitude des irakiens pour la faveur que nous leur avons faite" en envahissant et en occupant leur pays. "

15.9.06

Le monstre de l'inflation


Voici une vidéo (Wmv, Quicktime, RealVideo) de propagande, produite par la Banque Centrale Européenne. Il s'agit de convaincre des méfaits du "monstre de l'inflation". Cet "outil didactique" destiné aux enseignants est bourré d'inepties hilarantes.

Après la prochaine crise économique, on risque toutefois de trouver cette vidéo moins drôle...

30.8.06

Des journalistes à la botte de Sarkozy

Cinq exemples récents de la servitude médiatique nous donnent un avant-goût d'une campagne Présidentielle très disciplinée:

1/ Lorsque l’émission 7 à 8 diffuse une provocation policière envers des jeunes (TF1, 06-11-05), Robert Namias, directeur d’information de la chaîne, passe un savon aux responsables de l’émission… qui se sentent obligés, le dimanche suivant, de contrebalancer avec les entretiens de maires des banlieues en ébullition.

2/ Lorsque la représentante d’une association souligne la responsabilité de Sarkozy dans les émeutes (Canal+, 08-11-05), celui-ci fait demander la cassette. Résultat : la direction de Canal+ exige "un autre point de vue". Ce sera celui d’un maire UMP (voir ci-dessous!*).

3/ Lorsque Sarkozy est invité au Grand Journal de Michel Denisot (Canal +), il accepte à condition de figurer aux côtés de Denisot en couverture de TV Mag, le supplément télé de la Socpresse (propriété de Dassault) distribué avec 42 quotidiens. Commentaire d’un cadre de Canal + : " Sarkozy n’en à rien à faire du Grand Journal, ce qui l’intéresse, c’est d’être sur la table du salon de 5 millions de personnes " (source: Libération du 27/06/06). Lucide (sauf qu’il s’agit de 5 millions de foyers !).

4/ Lorsque J-P Elkabbach, directeur d’Europe 1, recherche un nouveau journaliste politique, il demande conseil à… Nicolas Sarkozy ! "C’est normal affirme celui-ci. J’ai été ministre de la communication". Je les connais, les journalistes. Il est même inutile de démentir les informations du Canard Enchainé. Puisqu’on vous dit qu’il a été Ministre de la Vérité, puisqu’on vous dit que les journalistes sont ses amis, c’est qu’il s’y connaît. Puisqu’on vous dit qu’il est Ministre de l’Intérieur, c’est qu’il fait régner l’ordre. Quel ordre ? Circulez…

5/ Lorsque Noah déclare à Paris-Match, dans un entretien titré " Mes quatre vérités à la France " (15-12-05) : " Une chôse est sûre : si jamais Sarkozy passe, je me casse ! ", la phrase est tout simplement censurée (source : Le Canard Enchaîné). Un véritable émeutier ce Noah...

Conclusion : Et que se passe-t-il lorsqu’ils ne sont pas assez dociles ? Car cela leur arrive de déplaire à Sarkozy. Pas pour avoir fustigé les cadeaux accordés aux plus nantis lors de son séjour au Ministère de l’économie, ni même pour avoir dénoncé la politique répressive de l’actuel Ministre de l’Intérieur. Non, de ce côté-là, Sarkozy peut être tranquille. Mais Paris-Match s'est rendu coupable d'avoir fait sa couverture sur les infidélités de Cecilia. Sarkozy demande à Lagardère de virer le patron de Paris-Match. Rien de moins. Le groupe Hachette Filipacchi Médias (HFM) évince alors Alain Genestar. Bon, on ne va certainement pas pleurer sur le sort du patron. Mais les journalistes qui travaillent pour ce torchon sont presque touchants: " nous demandons aux instances dirigeantes du groupe HFM de nous donner une garantie ferme et absolue de notre indépendance. Cela afin que ce fait sans précédent ne se renouvelle plus ". Autant pisser dans un violon…

* Dans cette émission (Nous ne sommes pas des anges), Eric Raoult avait déclaré au sujet de l'association « Ni putes ni soumises » que les filles ne doivent certes pas être soumises mais ne pas être non plus comme la première catégorie. Il affirme d'ailleurs dans un entretien accordé à LCI.net : “Les viols et les tournantes ne se passent pas par moins 30° mais surtout quand il fait chaud et quand un certain nombre de petites jeunes filles ont pu laisser croire des choses.” Bref, pour Raoult: pas de fumée sans feu. Pas de viol sans pute. Quand je lis ces paroles immondes je pense à une chanson de circonstance (écouter un extrait mp3 ou le titre intégral Wma):

... Et la roue tournera
Comme tourne la vie.
Mon couteau s'en ira
Faire de la poésie.

Au temps des roses rouges,
Mon gant sera de fer,
Sur une main de chair,
Et ça leur fera drôle.
Au temps des roses rouges,
De lâcher leur monopole,
En gueulant de travers
D'inutiles Pater.

10.8.06

Deux textes sur l'agression israelienne contre le Liban

1/ Extrait d'une déclaration commune de la LCR et du PCL (29/07/06):

L’État d’Israël a engagé une agression de grande envergure contre le Liban. On dénombre déjà des centaines de morts et des milliers de blessés, tandis que l’infrastructure du pays se trouve complètement anéantie.

La communauté internationale (notamment le Conseil de sécurité, les Etats-Unis et l’Union européenne) justifie cette agression barbare en vertu d’un droit de « légitime défense » d’Israël. Des délégations internationales se succèdent même à Beyrouth pour tenter d’imposer au gouvernement libanais, outre la libération des soldats israéliens capturés par la résistance libanaise, le déploiement d’une force militaire internationale au sud du Liban et l’application de la résolution 1559 du Conseil de sécurité.

Or, que préconise la résolution 1559 ? Elle exige le désarmement de toutes les « milices libanaises » (terme dont on baptise les mouvements de résistance libanais), le désarmement de toutes les organisations palestiniennes au Liban et le déploiement de l’armée libanaise officielle dans le sud du pays. Ce que ce texte, en revanche, ne mentionne pas, ce sont les fermes de Chebaa et les collines de Kfarchouba toujours occupées par Israël, les détenus libanais dans les prisons israéliennes (dont Samir Quntar emprisonné depuis 28 ans), ou le droit de retour des réfugiés palestiniens (droit pourtant garanti par les résolutions 194 et 242 des Nations unies).

En conditionnant tout cessez-le-feu à l’application de la résolution 1559, les dirigeants israéliens, l’administration américaine et les principaux gouvernements de l’Union européenne révèlent l’objectif véritable de l’agression en cours contre le Liban. Ils veulent imposer l’arrêt définitif de toute forme de résistance face à Israël, forcer le peuple libanais à renoncer aux territoires qu’Israël occupe toujours, faire oublier les détenus dans les prisons israéliennes [...]


2/ Extrait de Débat Militant (n°115), bulletin d'un courant de la LCR:

[...] "Israël a le droit de se défendre", a répété Bush, toute nation
doit se défendre contre des attaques terroristes. C’est une nécessité du XXIéme siècle
."
Israël aurait le droit de se défendre mais pas les Palestiniens dont il nie le droit le plus élémentaire d’avoir une terre pour vivre.
Certes les attentats contre les civils prônés par les mouvements réactionnaires du Hamas ou du Hezbollah sont inacceptables et se retournent contre le peuple palestinien lui-même. Mais que dire de ce terrorisme d’Etat qui massacre les populations civiles, détruit les maisons ou les installations indispensables à la vie quotidienne.
Quel cynisme, quelle veulerie, que de justifier ce terrorisme d’Etat en dénonçant le combat désespéré des opprimés.

Les provocations ont été le fait d’Israël : 138 civils palestiniens, dont plusieurs dizaines d’enfants, ont été assassinés par les forces d’occupation au cours du mois de juin. Une telle escalade meurtrière ne pouvait pas rester sans réponse. Ce fut l’enlèvement le 25 juin du soldat Gilat Shalit.

Israël s’est refusé à toute négociation. Pire, son armée a arrêté un tiers des ministres du gouvernement palestinien, détruit des centrales électriques et des conduites d’eau potable. Cette escalade militaire ne pouvait qu’entraîner une réaction du Hezbollah. Ce fut le raid qui fit 8 morts du côté israélien et la capture de deux soldats.

Vengeance, crie aussitôt Israël, lui qui détient, hors de tout droit, près de 10 000 prisonniers palestiniens et 2000 libanais.

Quoi que l’on pense par ailleurs de la politique des forces intégristes et religieuses, leur volonté d’obtenir en échange des soldats israéliens la libération de prisonniers palestiniens est pleinement légitime.
Le refus d’Isarël est dans la logique même de sa politique terroriste : nier aux Palestiniens le droit de se défendre parce qu’il nie leur droit élémentaire à avoir une terre pour vivre en paix. Il est pris dans l’engrenage sans fin de la loi du plus fort, obligeant le peuple palestinien à se soumettre à l’humiliation quotidienne de sa domination.

Tant que cette politique durera, il ne peut y avoir de « processus de paix ». Les négociations ne sont que l’occasion d’imposer de nouvelles concessions aux Palestiniens qui, aussitôt, servent de points d’appui pour une nouvelle offensive. C’est ce qui se passe une nouvelle fois, aujourd’hui. Et c’est cette politique d’oppression, d’humiliation qui pousse au désespoir du terrorisme et crée un terrain favorable aux intégristes
religieux qu’Israël prétend combattre.

L’intégrisme islamiste est le complément de la politique de l’Etat religieux d’Israël en l’absence d’une intervention consciente d’un mouvement ouvrier démocratique. Celui-ci a été laminé par les politiques combinées des anciens partis staliniens et des nationalistes bourgeois.

Seule cette intervention consciente pourrait être en mesure d’offrir aux peuples une politique leur permettant d’unir leurs forces pour rompre la logique infernale du terrorisme et de la guerre en se retournant contre ceux qui les dominent, les oppriment et les embrigadent, chacun au nom de son dieu, comme au Moyen-âge.

« Il est urgent que la communauté internationale agisse pour faire la différence sur le terrain », a déclaré Kofi Anan, souhaitant la mise sur pied d’un contingent doté d’un « concept opérationnel et des capacités différentes ». « Je compte sur des contributions de pays européens et d’autres régions », a-t-il insisté pour préciser : « cette force sera plus importante, telle que je l’imagine, bien plus importante que la force de 2 000 hommes que nous avons là-bas ». Le mandat de la Finul (Force intérimaire des Nations unies au
Liban) expire le 31 juillet. Il est possible que l’ONU se propose pour faire la police au Sud-Liban après que l’armée israélienne aura accompli sa sale besogne. C’est la politique que soutient dès aujourd’hui la France, la droite et la gauche, en demandant le déploiement d’une force internationale au Liban sud, à la frontière avec Israël, force qui devrait avoir, selon Chirac, des « moyens de coercition ». Il semble aussi que ce soit le choix d’Israël que de laisser à l’ONU le soin d’occuper le Sud-Liban pour ne pas se piéger comme après
1982 dans une nouvelle occupation.

Une telle politique prétend « sauver le Liban », si cher à Chirac, elle viserait surtout à l’associer, de gré ou de force, à la stratégie des USA et de son allié dans la perspective de construire un grand Moyen Orient entièrement soumis aux intérêts impérialistes.

Quels que soient les enchaînements à venir de la guerre, l’ONU semble vouloir aller plus avant dans l’alignement sur la politique américaine. Cette évolution est inscrite dans l’évolution politique internationale et rend encore plus dérisoires les vains appels à l’ONU ou à l’Union européenne. Ces dernières sont en fait alignées sur les positions de Bush, leurs dernières réticences sont en train de tomber d’autant que Bush pourrait bien laisser à l’Europe le soin d’assumer l’essentiel d’une éventuelle force d’interposition.

Les institutions internationales sont entièrement soumises à la défense des intérêts des grandes puissances, la seule pression pacifique et démocratique ne peut venir que des peuples eux-mêmes.
Dans les plans et calculs des dirigeants qui veillent à perpétuer leur domination, le sort du peuple israélien ne compte guère. Ils méprisent tout autant son droit à vivre en paix et en coopération avec ses voisins que celui des Palestiniens. Pour Bush et ses alliés, le peuple israélien est condamné à être un peuple guerrier pour des intérêts qui ne sont pas les siens, qui lui sont contraires et opposés.
La libre concurrence capitaliste s’impose par la force des armées, au mépris des peuples.
Une paix démocratique au Moyen-Orient ne sera possible qu’en brisant la tutelle des grandes puissances pour que les peuples reprennent aux armées le droit de décider de leur sort.
Cela ne saurait être la seule affaire des peuples du Moyen-Orient mais celle aussi des peuples dont les dirigeants participent à la domination du monde. Vivant au coeur d’une vieille nation coloniale toujours avide de prendre sa place au festin des puissants, nous sommes concernés au premier chef.

Halte à l’agression israélienne, solidarité internationale !

1.7.06

Nous ne réclamons nulle "indulgence"

Dans une tribune publiée dans Le Monde (28/06/06), François Fillon réclame "Zéro tolérance pour l'extrême-gauche!", adaptant ainsi le slogan de son maître Sarkozy. La notion de délinquance politique n'est pas loin...

Fillon "rêve d'un face-à-face décapant, transparent et constructif entre les deux formations qui sont susceptibles de gouverner la France : l'UMP et le PS". Et accuse François Hollande de "caresser dans le sens du poil les idées de l'extrême gauche", en l'occurence celles de la LCR lors de l'émission "A vous de juger" (sur France 2, 8 juin 2006).

En dehors du bipartisme, point de salut. On ne discute pas avec l'extrême gauche. Les arguments de l'ancien Ministre sont simples: "l'extrême gauche défend des idées insensées qui, si elles étaient appliquées, couleraient la France". Mais le lecteur qui se demande EN QUOI sont-elles insensées ne trouve aucune analyse de la part de Fillon. Son opinion est assénée comme une évidence. Au moins a-t-il le mérite de citer ses adversaires:

"Il faut examiner de près ce qui se dit et s'écrit à la LCR. A l'occasion de son 15e congrès, ce qui fut débattu et adopté mérite d'être pris au sérieux et non de façon badine : "La gauche anticapitaliste et révolutionnaire défendra une perspective de rupture avec l'économie et les institutions capitalistes..." Elle préconisera "l'appropriation sociale des principaux secteurs de l'économie, de l'auto-organisation et de l'action directe des travailleurs pour instaurer une démocratie socialiste..." Voilà ce que veut le parti politique que François Hollande aimerait pouvoir traiter en allié ! Face à de telles propositions, l'indulgence n'est pas acceptable."

Voici donc l'inacceptable: l'appropriation sociale, l'auto-organisation des travailleurs, la démocratie socialiste, la rupture avec les institutions capitalistes! Pour une fois, Fillon est honnête. Lui qui a mis a mal le système de retraite par répartition en affirmant le sauver (2003), lui qui a aggravé les inégalités scolaires en prétendant les résorber (2005), est amené à diffuser le programme de l'extrême gauche!

Pour quelle raison? Fillon a un message très clair à faire passer: "La droite républicaine a besoin d'une gauche moderne". La bourgeoisie a besoin de deux partis. En fonction de la situation sociale, l'un ou l'autre, le parti de choc ou le parti du compromis, saura préserver les intérêts de la bourgeoisie. A condition que la situation sociale n'excède pas certaines limites... A condition que l'on oublie ces histoires de rupture, d'auto-organisation et d'appropriation sociale. Pour marginaliser ces idées, il faut, nous dit Fillon, que le PS suive la voie du SPD allemand qui "a tranché en 1959, en se prononçant une fois pour toutes en faveur de l'économie de marché", et du Labour anglais qui "s'est approprié les réformes de Margaret Thatcher..." Les militants PS trouveront peut-être incongrus ces conseils émanant du "conseiller politique de l'UMP" qui se présente comme le meilleur artisan de la droite ("De Chirac on ne se souviendra de rien, sauf de mes réformes").

Mais cet élan de franchise ne saurait perdurer. L'article contient aussi une grossière mystification :

"Il est temps de dire que ce parti [la LCR] méprise la démocratie, que son bagage culturel et historique s'est avéré désastreux sur le plan social, et meurtrier pour des peuples entiers. J'aimerais qu'on m'explique en quoi le trotskisme mérite d'être respecté ! "

La "démocratie socialiste" c'est donc... le "mépris de la démocratie"? Facile à démontrer si on assimile le meurtre de "peuples entiers" au trotskysme! Admirez la juxtaposition des deux phrases et l'ambiguité qui en résulte.
Titulaire d'un DEA en Sciences Politiques, membre de la Commission des affaires culturelles du Sénat, Fillon n'ignore pas, ne peut pas ignorer, que le trotskysme est né d'une opposition au stalinisme et que nombre de militants l'ont payé de leur vie (à commencer par Trotsky). Il sait aussi qu'aucun parti affilié à la IVè internationale n'a exercé le pouvoir. Fillon poursuit sa manipulation: "Pour un pays comme le nôtre qui, semble-t-il, est sourcilleux en matière de mémoire historique, j'estime qu'il y a de la négligence à ne pas traiter l'extrême gauche comme elle devrait l'être : c'est-à-dire avec fermeté". A QUELLE "mémoire historique" fait-il allusion? A la mémoire des militants trotskystes déportés par les nazis? Fillon est une ordure.
Le peuple de gauche étant de plus en plus rétif à l'idéologie dominante, comme en témoignent les derniers mouvements sociaux, on ne peut le convaincre qu'en posant un ultimatum: le marché ou la barbarie? Quitte à falsifier l'histoire... en évoquant "une extrême gauche qui abhorre l'économie de marché et qui s'inspire d'une idéologie qui a enfanté la terreur et la misère".

Pour assoir sa légitimité de donneur de leçons, Fillon ose même écrire: "Pendant plus de vingt ans, la droite républicaine a suffisamment combattu l'extrême droite pour exiger aujourd'hui de la gauche qu'elle en fasse de même avec ses extrêmes ! "

Le parrallèle entre "les extrêmes" est inacceptable. Le combat antifasciste de la "droite républicaine" est une mascarade. Rappelons qu'en 1991, Giscard d'Estaing reprenait les thèses du FN, en affirmant que "le type de problème" auquel se trouve confrontée la France "se déplace de celui de l'immigration vers celui de l'invasion" (Figaro magazine, 22 septembre 1991). L'ancien Président de la République réclamait au passage que soit instauré le droit du sang : une proposition qui n'avait été formulée ouvertement antérieurement que par... les groupuscules néo-nazis, et qui va ainsi pouvoir être reprise par M. Mégret dans ses cinquante propositions, le 16 novembre 1991 (parmi les autres exigences, on remarque l'insistance concernant l'abrogation des lois Pleven et Gayssot relatives au négationnisme). La même année, M. Chirac se lamente sur "le bruit et l'odeur"... Et M. Longuet, ancien membre du groupe fasciste Occident passé à la "droite républicaine", propose d'appliquer la "préférence nationale" aux versements du RMI.

Longuet est loin d'être le seul à être passé par l'extrême-droite. Les députés UMP Madelin, Guillet et Novelli, l'actuel ministre délégué à l'industrie et conseiller de Sarkozy, Patrick Devedjian, étaient aussi membres d'Occident. Le député (UMP) Bernard Carayonle avait fondé le GUD (Groupe union droit). L'actuel secrétaire d'Etat à l'aménagement du territoire, Frédéric de Saint-Sernin, appartenait au GAJ (Groupe action jeunesse). Sans parler d'Anne Méaux, ancienne attachée de presse de Valéry Giscard d'Estaing et patronne d'Image 7, l'agence de communication du gotha de la politique et des affaires... Aujourd'hui, ils ne regrettent rien. M. Goasguen, (UMP): "je n'ai aucune honte, je n'ai rien fait de délictueux.". Il s'agissait juste de bannir le "suffrage universel", les "métèques" et les "bolchéviques"... Mieux: combattre les "judéo-bolchéviques". Longuet: "J'assume avoir été d'extrême droite" (cités dans Le Monde 13/02/05).

Ici, point de tolérance zéro. Mais "l'indulgence" de la "droite républicaine" envers l'extrême-droite va bien plus loin. Lorsqu'en août 1998, peu après les remous violents provoqués par des accords FN-droites dans les nouveaux exécutifs régionaux, l'ancien Premier ministre Edouard Balladur estima naturel de s'interroger sur la mise en place de la "préférence nationale", le Front National passe un nouveau cap. Martin Peltier, rédacteur en chef de National-Hebdo, déjà auteur d'articles anti-juifs et pro-Waffen SS, en appelle, face à la "question de l'immigration " à l'organisation de "rafles et de camps de concentration", ajoutant que, justement, "la Shoah sert entre autres (d'abord ?) aujourd'hui à rendre impensables certains moyens indispensables d'une juste cause, la lutte contre l'immigration-invasion"
(National-Hebdo, 06-12 août 1998).
Suite au tollé déclenché, M. Le Pen félicita publiquement M. Peltier. Ainsi, à chaque palier passé par la "droite républicaine", le parti fasciste put durcir son discours.

A la fin de sa tribune, Fillon qualifie d'ailleurs l'extrême-droite de "nationalisme étroit". La formule parle d'elle-même...

13.6.06

De la répression...

Le mouvement des étudiants grecs demeure singulièrement absent de la presse française. La Grèce connaît pourtant son plus important mouvement étudiant depuis les années 1970.
La quasi-totalité des Universités est paralysée. Les enseignants, conformément aux consignes de leur puissant syndicat POSDEP, votent, AG par AG, en faveur de la proposition de grève illimitée.

Photo: étudiant grec blessé par les "forces de l'ordre" le 8 juin 2006

Rappelons que la cible de la mobilisation est un projet de loi du gouvernement de droite prévoyant:

* la création d'Universités privées
* l'application de nouvelles règles managériales dans les Universités publiques
* la remise en cause de l' « asile » universitaire (impossibilité pour la police d’intervenir sur le campus sauf accord des CA des universités)
* la réduction drastique de la possibilité des étudiants de repasser des examens

En France, le mouvement lycéen a été sévèrement réprimé. En 2006, celui contre le CPE a engendré 4350 interpellations (selon le Ministère de la Justice), soit 4 fois plus que durant le mouvement contre le CIP de Balladur (en 1994). Ces arrestations ont souvent été très violentes (fractures, points de suture etc.) mais aucun policier n'est à ce jour comparu pour répondre de ces exactions. La plupart du temps, les jeunes étaient arrêtés en fin de manifestation, sans raison apparente, juste pour "faire du chiffre". Un simple délit d'opinion.

Les tribunaux ont été particulièrement sévères, et les Procureurs ont généralement suivis les consignes qu’ils ont reçu de leur Ministre de tutelle, Pascal Clément. Une circulaire datée du 24 mars 2006, relative aux réponses pénales aux infractions commises à l’occasion et en marge des manifestions contre le contrat première embauche, est particulièrement explicite sur ce point ("assurer la nécessaire réactivité et l’indispensable fermeté vis-à-vis de ces actes de délinquance", "la procédure de comparution immédiate devra être privilégiée"). 42% des personnes poursuivies ont été traduites en
procédure de comparution immédiate.
On sait ce qu'implique une telle procédure expéditive. Fatigue, impossibilité de préparer sa défense... ou même de se laver avant le procès. Walid et Gabriel furent jugés le 24 mars à 4 heures du matin devant la 23ème chambre correctionnelle du TGI de Paris. L’audience avait commencé à 13h30... Ils avaient été interpellés le 21 mars au matin.

Comme en France il y a quelques semaines, la répression s'abat sur les étudiants grecs.
Les gouvernements bourgeois semblent recourir de plus en plus facilement à la répression. Cela ne fait que traduire leur faiblesse. Ils n'ont plus les moyens politiques de contenir la jeunesse, qui se fait de plus en plus contestataire.

3.6.06

La dérive du PS

Sans surprise, le PS poursuit sa dérive droitière. François Hollande a rendu hommage au « capitalisme familial » de Michelin en déclarant : « il y a comme une leçon : le capitalisme, quand il est maîtrisé, organisé, fidèle à son pays, voire même à sa région, peut aussi réussir à l’échelle du globe, sans pour autant être inhumain, oublieux des principes ».

Oui, il parle d’Edouard Michelin, qui en septembre 1999 annonçait 20 % d’augmentation des bénéfices et 7500 licenciements, devant lesquels Jospin s’était déclaré impuissant!

Alors? "Crève charogne" ? Il ne s'agit pas de cela. "Il ne s'agit ici des personnes qu'autant qu'elles sont la personnification des catégories économiques, les supports d'intérêts et de rapports de classe déterminés. Mon point de vue, d'après lequel le développement de la formation économique de la société est assimilable à la marche de la nature et à son histoire, peut moins que tout autre rendre l'individu responsable de rapports dont il reste socialement la créature, quoi qu'il puisse faire pour s'en dégager." (Marx, 1867, préface de la 1ère ed. du Capital).

Le problème n'est pas que Hollande ne mette pas en cause la personne de Edouard Michelin, le problème est qu'il affirme la possibilité d'un capitalisme "humain" (absurde!), "organisé" (c'est-à-dire? au bénéfice de qui?), "fidèle à son pays" (Comme pendant les conquêtes coloniales? Comme en 1914? Comme pendant la collaboration?). Le problème est donc qu'en diffusant ce genre d'inepties, le PS ne défend pas les intérêts des travailleurs.

Peu de temps après, Ségolène Royal, en campagne avant même d'être investie par son parti, proposait d'encadrer militairement les jeunes délinquants et de "remettre les familles au carré". Maréchal, nous voilà?
Nicolas Sarkozy s'est bien sûr délecté: "J'observe qu'elle trouve que je ne suis pas assez ferme mais elle n'a voté aucun de mes projets, de mes mesures, de mes budgets. Si elle me demande d'être plus ferme, qu'elle dise à ses amis de me soutenir. Ils ne seront pas déçus", a raillé le ministre de l'intérieur (et président de l'UMP).
L'un de ses lieutenants, le député Yves Jego, a estimé, sur le site de Libération, qu'il s'agissait d' "un virage à droite, manifeste et brutal". "Il faut lui proposer une carte à l'UMP", a-t-il lancé !

L'enjeu de la période actuelle est de préserver le rassemblement "antilibéral" en cours (cf. message précédent) de la moindre illusion vis-à-vis du PS. Il est urgent de défendre les intérêts des salariés, chômeurs et précaires! Si l'on peut "faire pression" sur le PS, ce n'est pas au sens où l'on pourrait les contraindre à appliquer un programme de rupture, anticapitaliste. C'est uniquement au sens où l'on peut leur arracher quelques mesures en construisant le rapport de force, en redonnant confiance aux exploités. Mais le gouvernement PS ne sera pas celui des travailleurs. La question posée aujourd'hui par le mouvement social est bien celle de l'organisation d'un grand parti anticapitaliste, nécessairement autonome vis-à-vis du PS.

25.5.06

L'appel du 11 mai

POUR UN RASSEMBLEMENT ANTILIBERAL DE GAUCHE ET DES CANDIDATURES COMMUNES : IL Y A URGENCE !

Pour que ça change vraiment, l'heure est venue de passer aux actes : nous proposons la création d¹un collectif national d¹initiative pour un rassemblement antilibéral de gauche et des candidatures communes.

En moins d'un an, à plusieurs reprises, la société française s'est insurgée contre le libéralisme, destructeur de vies et d'avenir. Le 29 mai 2005, une majorité a sanctionné les choix libéraux des élites européennes. A l'automne, la jeunesse de nombreux quartiers populaires, confrontée au chômage, à l'exclusion et aux discriminations, a manifesté sa révolte. En mars et avril de cette année, c'est par millions que jeunes et salariés se sont soulevés contre la précarité et la destruction du code du travail. Depuis, le refus de la loi sur « l'immigration jetable » s'étend. Ces séismes à répétition et les luttes appellent une réponse politique à la hauteur. Elle ne peut pas être le « réformisme de gauche » accompagnant la mondialisation capitaliste que propose la direction du Parti socialiste. Elle ne peut pas être la réédition de ces alternances sans changement profond qui se terminent immanquablement par des désastres, comme le 21 avril 2002.

Notre pays a besoin d¹une rupture avec le cadre libéral, et non d¹un aménagement de celui-ci. Ce choix, qui doit être traduit en propositions précises, correspond à l¹attente de millions de femmes et d¹hommes de notre pays. Il a vocation à être majoritaire au sein de la gauche, à y battre les politique d'adaptation et de renoncement, ouvrant ainsi la voie à un changement politique et social profond.

Le discours dominant prétend fixer le cadre des prochaines échéances électorales en les réduisant à la rivalité des deux partis institutionnellement dominants. Tout juste s'inquiète-t-on de la capacité de l¹extrême droite à troubler le jeu et s¹interroge-t-on, en marge, sur qui décrochera le prix du meilleur second rôle à gauche du PS au terme d'une dérisoire compétition dans la dispersion.

Mais l'Histoire n'est pas écrite.

Nous étions ensemble contre les offensives de la droite et du patronat, refusant de nous incliner devant l'inéluctabilité du modèle libéral que l'on cherche à imposer à tous les pays d'Europe. Dans nos partis, syndicats, associations, dans le cadre des collectifs unitaires du 29 mai ou d'autres initiatives visant à l¹unité, nous avons poursuivi notre démarche. Nous affirmons que seule une union de toutes les énergies anti-libérales autour d¹un projet commun, seules des candidatures communes antilibérales de gauche aux élections présidentielle et législatives peuvent ouvrir la voie à une authentique alternative : sociale, écologique, anti-discriminations, démocratique. Faute de quoi l'exaspération et la détresse populaires risquent de se traduire en abstention et de profiter à la droite extrême ou à l'extrême droite.

Les obstacles à l'unité peuvent être levés si la volonté politique prévaut.

Nous nous battons pour gagner. Nous voulons en finir avec le pouvoir de la droite, en finir durablement avec une politique dont le pays fait les frais depuis trop longtemps. C'est pourquoi nous avons l¹ambition de changer en profondeur la donne politique, de bouleverser le rapport de forces à gauche. Nous voulons construire une forte dynamique populaire et citoyenne, oeuvrer ainsi à l'essor des mobilisations sociales, avec l'objectif d'une majorité et d'un gouvernement qui appliquent une politique au service du peuple. Une politique en rupture avec le libéralisme, opérant des choix respectueux du futur de la planète et des humains qui y vivent. Nous le croyons possible. Si nous n'accédons pas au second tour de la présidentielle, nous nous mobiliserons pour battre la droite et l¹extrême droite. Mais nous ne participerons pas à un gouvernement qui serait dominé par le social-libéralisme.

Des propositions convergentes existent sur nombre de questions essentielles. Elles fournissent déjà un fondement solide à notre rassemblement.

Notre campagne commune aux élections présidentielle et législatives devra s'inspirer de celle menée pour le rejet du traité constitutionnel européen. C'est la même dynamique unitaire que nous devons donner à voir dans les entreprises, les quartiers, les meetings, les médias. Cette campagne devra être portée par les différentes sensibilités engagées dans le processus et ensemble, partout, par les milliers de citoyens qui s'y retrouveront.

Un tel cadre collectif permettra d¹échapper à la dérive présidentialiste encouragée par les institutions et de désigner celle ou celui qui symbolisera le mieux notre unité à l'élection présidentielle.

Le temps est venu de concrétiser. Nous proposons la création d¹un collectif national d'initiative permettant de discuter de toutes les questions auxquelles ce rassemblement devra répondre, de lever les derniers obstacles et de concrétiser cette campagne. Nous convions toutes les forces, courants, sensibilités de la gauche anti-libérale, féministe, écologiste, citoyenne à être partie prenante de ce collectif qui ne sera pas un cartel figé et restera ouvert. Nous invitons toutes celles et ceux qui partagent notre objectif à créer partout de tels collectifs d¹initiative, unitaires et populaires. Il nous appartient de délivrer ensemble un message d'espoir. Le temps presse. Le défi doit être relevé.

Premiers signataires :Etienne ADAM, Christophe AGUITON, Tony ANDREANI (professeur émérite de sciences politiques), Patrick APPERE, Clémentine AUTAIN (féministe, élue de Paris), Francine BAVAY, Hamida BEN SADIA, Jean-Jacques BOISLAROUSSIE, José BOVE, Patrick BRAOUEZEC, Marylène CAHOUETt, Eric COQUEREL, France COUMIAN, Pierre COURS-SALIES, Claude DEBONS, André DELUCHAT, Monique DENTAL (militante féministe), Hayat DHALFA, Michel DUPONT, Frédéric DUTOIT, Alain FARADJI (membre de le LCR), Bertrand GEAY, Michel HUSSON (économiste), Raoul Marc JENNAR, Jacques LERICHOMME (syndicaliste), Bernard LOCHE, Céline MALAISE (membre de la LCR), Roger MARTELLI, Henri MERME, Roland MERIEUX, Claude MICHEL (syndicaliste), René MOURIAUX (politologue), Michel NAUDY, Michel ONFRAY (philosophe), Christian PICQUET (membre de la LCR), René REVOL (vice-président de « Pour une République Sociale »), Yves SALESSE, Patrick SILBERSTEIN (médecin, éditeur), François SIMON, Francis SITEL (membre de la LCR), Philippe VILLECHALANNE (militant d¹association de chômeurs), Claire VILLIERS, Pierre ZARKA, Malika ZEDIRI
Et: Les Alternatifs, Gauche Républicaine, Mouvement pour une Alternative Républicaine et Sociale, Parti Communiste Français,

2.5.06

Neuromarketing


Voici un article assez inquiétant. Heureusement, il contient aussi une bonne nouvelle: le dégoût croissant de la population pour la publicité.

Enquête. Numérique et neuromarketing permettront de connaître intimement les consommateurs
La pub s'incruste dans nos neurones
LE MONDE 29.04.06 17h14

Paris, Marie passe devant une affiche de cinéma. Automatiquement, la bande-annonce se télécharge sur son téléphone portable vidéo. L'adresse du cinéma le plus proche apparaît ainsi que l'horaire de la prochaine séance en version originale puisqu'elle est professeur d'anglais. Tentée, elle achète sa place en ligne pour une séance dans une heure. Une publicité pour une chaîne de restauration rapide toute proche s'affiche alors sur son écran. Si elle s'y rend immédiatement, une promotion sur sa formule préférée lui sera offerte.
En chemin, son oeil s'arrête sur un écran publicitaire électronique qui la "reconnaît". Une animation s'affiche : veut-elle participer à un jeu concours pour une crème revitalisante adaptée aux femmes de 40 ans, l'âge de Marie ? Elle est séduite, mais ça, la marque le sait déjà grâce à son étude de "neuromarketing". Résultat : elle reçoit dans la minute un bon d'achat sur son téléphone portable.
Dans dix ans, les marques de grande consommation connaîtront-elles intimement Marie et ses congénères au point de leur envoyer à tout moment, où qu'elles se trouvent, des publicités personnalisées et autres signaux commerciaux pour les inciter à acheter ?
La recherche est déjà active. Des experts spécialisés en neuromarketing tentent d'appréhender l'émotion du client, de décrypter le processus de décision d'achat. "C'est la version XXIe siècle du subliminal. Comment imprégner un cerveau d'une publicité sans qu'il s'en rende compte ?", explique Olivier Oullier, chercheur au CNRS à Marseille mais aussi à la Florida Atlantic University aux Etats-Unis. "L'obtention de l'image du cerveau en 3D est un grand pas, mais la neuro-imagerie est encore limitée. Dans dix ans, les résolutions spatiales et temporelles auront progressé, pronostique M. Oullier. On ne lira pas dans la tête des gens, mais on pourra tenter de prédire leurs réactions." Ces recherches touchent des territoires sensibles.
Actuellement, seule la société automobile DaimlerChrysler finance ouvertement des travaux dans ce domaine. "Beaucoup d'entreprises s'y intéressent sans le dire. Il y a une omerta, une peur de l'opinion publique", remarque M. Oullier. Justement, des voix se font déjà entendre pour pointer les risques d'intrusion. Vigie de tous les dérapages publicitaires aux Etats-Unis, l'association Commercial Alert a fait du neuromarketing une priorité.
Avant même le déploiement de cette nouvelle science, marques et publicitaires cherchent à créer une communication personnalisée, plus ciblée, pour amadouer les plus rétifs. Les révolutions technologiques à venir servent leur projet. Les consommateurs seront de plus en plus équipés - téléphone mobile de troisième ou quatrième génération, journaux électroniques. Les réseaux de communication urbains vont monter en puissance, grâce aux technologies infrarouge, Bluetooth, Wi-Fi, RFID, etc. Et la ville va se vêtir d'écrans d'affichage électronique, de "puces" disséminées dans les vitrines. Avec ce maillage électronique, la publicité ne lâchera plus le consommateur.
Des tests grandeur nature se multiplient partout dans le monde. Au Japon, les consommateurs sont invités dans la rue à "photographier" avec leur téléphone mobile des codes-barres imprimés sur des affiches. Instantanément, ils sont mis en relation avec un mini-site Internet ventant les mérites du produit.
A Tokyo, grâce à une image projetée sur un trottoir, les piétons se retrouvent comme entourés de papillons et du logo de la marque de beauté Kanebo qui bougent au gré de leurs mouvements de bras. Les réactions des passants sont analysées en temps réel par un logiciel de traitement d'image.
Aux Etats-Unis, Google, le poids lourd de l'Internet, a jeté son dévolu sur San Francisco et propose d'offrir gratuitement à tous les citoyens une connexion sans fil (Wi-Fi) à Internet. Mais, en contrepartie, chaque internaute devra accepter d'être "suivi électroniquement" en temps réel : Google enverra des publicités ciblées en fonction de là où il se trouve.
Des partenariats se nouent avec des chercheurs. A Caen, depuis le printemps, plus de 300 "cobayes", équipés de téléphones mobiles dotés de la technologie RFID, sont suivis à la trace. Leurs interactions avec les publicités et les jeux concours, leurs achats en ligne sont analysés par France Télécom et la société d'affichage Clear Channel. Son concurrent Jean-Claude Decaux vient, lui, de s'allier les compétences des chercheurs de l'Inria en "informatique diffuse". L'objectif ? Etablir un dialogue automatisé entre les Abribus, les panneaux d'affichage, etc., et les téléphones mobiles des passants. La société LM3Labs, fondée par des scientifiques du CNRS, prépare un logiciel de traitement de l'image pour identifier chaque personne s'arrêtant devant un panneau interactif.
L'invasion est-elle programmée ? Les marques savent qu'elles n'ont pas droit à l'erreur. Pour la première fois depuis vingt ans, le nombre de Français "publiphobes" (43 %) est supérieur aux fans de pub, selon l'institut d'études TNS. Cette réticence croissante au "matraquage publicitaire" est observée dans la majorité des pays développés.
En France, la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL) veut étendre "le cadre juridique" pour protéger les consommateurs, comme elle l'a déjà fait pour les spams. Elle vient de recaler une offre de l'assureur MAAF : un tarif réduit pour les jeunes conducteurs, contre un suivi de la "bonne conduite" du véhicule par satellite. Donner accès à de telles données personnelles pour obtenir un simple rabais : la CNIL a jugé le procédé "disproportionné".
Laurence Girard

CHRONOLOGIE
1830: Les annonces commerciales apparaissent dans les journaux.
1880: Essor de l'affichage dans les rues.
1920: La réclame fait son entrée sur les ondes radio.
1937: Les films publicitaires arrivent sur les écrans de cinéma.
1968: La télévision diffuse ses premiers spots.
1995: La publicité investit Internet.
2005: Apparition de nouveaux canaux de diffusion : iPod, consoles de jeux, etc. Premières affiches publicitaires interagissant avec les téléphones mobiles.

26.4.06

Un toit, c'est un droit !

Samedi 29 avril, il y a une manifestation contre la réforme du CESEDA ("l'immigration choisie" façon Sarkozy). La manif partira de République à 14h. Un départ collectif du 13e est prévu depuis le square "Eloise et Abelard" (rue Dunois) où campent les expulsé-e-s du 35bis rue Dunois. Le RDV est à 12h30 au square, puis il est prévu de passer à 13h devant Grand Ecran à Place d'Italie, puis de prendre le métro...
Précisions sur l'expulsion ci-dessous:

Que vont devenir les habitants du 35 bis rue Dunois ? Depuis leur expulsion jeudi 20 avril, ils sont à la rue !

Une expulsion brutale dans le 13ème pour le profit d’un propriétaire véreux
Jeudi 20 avril à l’aube, après avoir bouclé tout le quartier, les CRS ont investi l’immeuble du 35 bis rue Dunois. C’est par la force qu’ils ont expulsé les familles de l’immeuble, femmes et enfants compris. Cinq personnes sans papiers ont été menottées et embarquées à la préfecture de police (toutes ont depuis été relâchées). Les autres expulsés ont dû s’entasser dans des cars direction la banlieue munis de bons pour quelques jours d’hôtel. Après des négociations, ils n’ont pu emporter que quelques objets, beaucoup de leurs affaires restant dans l’immeuble, surveillé par des vigiles.
Depuis l'expulsion les habitant-e-s, dont plusieurs familles avec des enfants, sont toujours à la rue : seule une partie s'est vue proposer des hébergements, de courte durée, et très éloignés des écoles des enfants et du lieu de travail des salariés (à Pontault-Combault par exemple) !
Environ 25 personnes, dont une dizaine d'enfants, CAMPENT désormais dans le square en face de l'immeuble !

Une situation qu’on a laissé pourrir : il est urgent d’agir !
Cette situation est inacceptable ! D’autant plus que cet immeuble n’est pas insalubre : il a été rendu dangereux par des propriétaires qui ont cessé tout entretien depuis plus de 10 ans et fait couper le gaz et l’électricité depuis 2003, pour chasser les habitants. Depuis 6 mois nous nous battons aux côtés des habitants pour obtenir le rétablissement de l’électricité et un plan global de relogement. Une délégation a été reçue par des élus du 13ème fin janvier, mais les minces avancées informelles n’ont pas été mises en œuvre, et il aura fallu 4 courriers au maire et aux élus concernés, et de très nombreux échanges, pour qu’un rendez-vous nous soit enfin accordé en avril ! Mais l’expulsion a eu lieu et la mairie ne s’y est pas opposée ni n’a prévenu les intéressés.

Boulevard Vincent Auriol l’été dernier, il aura fallu 17 morts dont 14 enfants pour reloger les rescapés ! Les habitants du 13è, les parents d’élèves des écoles voisines où vont les enfants et les voisins s’en souviennent… Ils viennent apporter leur soutien aux expulsés depuis jeudi et ils ne cachent pas leur colère. Que vont devenir les anciens habitants du 35 bis rue Dunois ? Quelle chance d’avenir pour les enfants scolarisés dans le quartier ?
Il est urgent de réussir une mobilisation de grande ampleur afin d’obtenir un relogement durable pour ces habitants qu’un propriétaire véreux a jetés à la rue.

Avec le soutien de : les Alternatifs, Alternative libertaire 13è, ATTAC-13è, Comité de soutien du 35 bis, Comités actions logement (CAL), Comité des sans logis (CDSL), Ensemble Dunois-Jeanne d’arc, FCPE 13è, LCR 5è-13è, MRAP 5è-13è, Ras’l’front 13è, Réseau éducation sans frontière (RESF), XIII-écolo, Union des familles laïques (UFAL)-13è, les Verts 13è…
Pour contacter le Comité de soutien du 35 bis : comite35bisdunois@yahoo.fr

15.4.06

Supprimer les licenciements

Lors d'une récente AG à Tolbiac, une quinzaine d'étudiants de droite étaient venu faire de la provocation. Ils s'inscrivaient les uns derrière les autres pour prendre la parole. Leur tour venu, ils tentaient de pourrir l'AG en faisant des propositions qu'ils jugeaient eux-mêmes absurdes.

On a ainsi eu droit à "je propose que l'AG vote une motion exigeant que tous les étudiants de Tolbiac viennent en maillot de bain" etc. Ces propositions leur semblaient presque aussi drôles que ce qu'ils entendaient dans l'amphithéâtre: lorsque l'on ne connaît que les quartiers chics les discussions sur la précarité, le salariat, les émeutes de banlieue ou les lois racistes ont un aspect surréaliste. C'est qu'elles portent sur une partie de la société que ces étudiants ne connaissent pas, ou feignent de ne pas connaître.
Leurs interventions étaient par conséquent sarcastiques mais très révélatrices de leur vision du monde. Quelle ne fut pas leur surprise de se faire applaudir par la moitié de l'amphi lorsqu'ils demandèrent ironiquement "vous parlez beaucoup de répression policière, alors je propose que l'on exige la dissolution de la police, de la gendarmerie nationale et de l'armée française"!

Mais la plus intéressante de leurs "propositions" fut celle "d'interdire tous les licenciements partout sur la planète". Ils furent à nouveau très surpris d'être applaudis. L'interdiction des licenciements leur semble être une mesure complètement utopique... pour la simple raison qu'elle se situe complètement au-delà de l'horizon de l'esprit bourgeois. On nous répète en permanence qu'il faut s'adapter aux "lois" de l'économie, que l'on a pas le choix, que réalité rime avec "flexibilité" etc. L'idéologie dominante finit par nous paralyser, par anesthésier nos propres neurones. N'est-il plus possible de penser la lutte contre les licenciements? Un ouvrage collectif doit justement sortir dans quelques jours à ce sujet: Supprimer les licenciements (Editions Syllepse, 8 euros). Michel Husson (économiste) et Laurent Garrouste (inspecteur du travail) figurent parmi les auteurs (entretien Ici).
Extraits de l'ouvrage (j'attire l'attention du lecteur sur les passages en rouge):

"Le succès de la revendication d’interdiction des licenciements dans les entreprises qui font des profits s’explique par un sentiment légitime de rejet d’une telle situation. Il s’est développé en France, à partir de l’affaire Michelin, quand cette firme a annoncé, en 1999, à quelques jours d’intervalle, de confortables bénéfices et la suppression de 3 500 emplois ! Un sondage montrait qu’une forte majorité (75 %) de Français considérait que de telles décisions étaient inacceptables. Pour légitime qu’elle soit, cette revendication se heurte cependant à une limite de taille. Elle ne couvre pas la grande majorité des licenciements économiques qui ont lieu dans des entreprises qui peuvent connaître des difficultés réelles, transitoires ou non, dont une grande partie sont des petites entreprises qui ne sont pas assujetties à la procédure de plan de sauvegarde de l’emploi. Or, les dégâts sociaux engendrés par les licenciements appellent la formulation d’une réponse d’ensemble qui soit à même de prendre en compte la totalité des cas, y compris les licenciements économiques individuels dans les petites entreprises. On voit immédiatement surgir toute une série d’objections. Le capital a considérablement accru sa mobilité, sa capacité de redéploiement et de contournement des règles sociales : comment, dans ces conditions, aller vers une sécurité accrue pour les salariés ? Comment éviter les licenciements dans les entreprises qui font faillite ? Comment fermer les activités "dépassées" ou polluantes sans licencier ? [...] En même temps, l’exigence d’un droit à l’emploi effectif monte, et de nombreuses propositions ont été récemment avancées sur ce terrain : rapports Supiot1 ou Bélorgey2, projets de « sécurité d’emploi-formation » du PCF, ou de « sécurité sociale professionnelle » de la CGT, terme ayant été repris avec des contenus parfois différents par des responsables du PS. [...] Faute d’être suffisamment précis, certains d’entre eux recèlent même de réels dangers.

Responsabilité patronale
La question centrale qui est posée est de savoir comment rendre effectif le droit à l’emploi. Nous l’abordons à partir de deux idées essentielles. Première idée : il n’y a aucune raison que les salariés pâtissent de choix de gestion dont ils ne sont nullement responsables. Après tout, ce sont les employeurs qui dirigent les entreprises, et c’est le système de concurrence qui conduit aux restructurations et aux destructions d’emplois. Seconde idée : la question ne peut être traitée au niveau de l’entreprise. Pour que le droit à l’emploi devienne effectif, c’est le fonctionnement global des entreprises qui doit être questionné. Seuls responsables de leur gestion, les employeurs doivent supporter les coûts d’une mise en oeuvre effective du droit à l’emploi.

• Principe n°1 : continuité du socle contractuel. Plusieurs juristes affirment que le droit à l’emploi ne serait pas opposable [au patronat, NDLR], faute de pouvoir définir un « débiteur » redevable de cette « créance ». Pourtant ce débiteur existe : ce sont les entreprises, et donc le patronat compris comme entité collective. Il appartient donc au législateur d’élaborer des lois établissant sa responsabilité au regard du droit de chacun à obtenir un emploi qui, sans cela, est évidemment une coquille vide. [...] L’effectivité du droit à l’emploi passe par un véritable projet de refondation du statut de salarié, dont le principe de base serait de le déconnecter de l’affectation à un moment donné du salarié. Autrement dit, les périodes intermédiaires entre deux emplois doivent bénéficier d’une garantie de rémunération intégrale, avec la possibilité de choisir une formation prise en charge, elle aussi, intégralement. Ce principe de continuité du salaire et des droits sociaux implique qu’un travailleur doit se voir reconnaître des droits à ressources qui dépendent de sa qualification personnelle (formation, expérience, etc.), mais pas de sa position du moment : qu’il soit en emploi immédiatement productif, en formation, ou en recherche de travail, il doit percevoir le salaire qu’il recevrait s’il était en situation d’emploi. [...] Ce principe reconnaît donc à la personne un statut professionnel permanent, entérinant le fait que les périodes de recherche et de formation sont des périodes productives à part entière. Cependant, et c’est là un désaccord essentiel avec beaucoup de projets actuels de « sécurité sociale professionnelle » qu’ils reprennent cette dénomination ou non, cette nouvelle définition des droits du salarié ne saurait en aucun cas être le prétexte à une libéralisation du régime du licenciement. Lorsque les dirigeants d’une entreprise estiment que celle-ci est dans une situation difficile nécessitant une réduction du nombre d’emplois, il faut d’abord que cette appréciation, et donc le projet qui en découle, puissent être contestés en cours de procédure. En tout état de cause, les salariés concernés ne devraient subir aucun licenciement, mais bénéficier d’un statut garantissant le bénéfice du socle contractuel acquis dans leur emploi et d’une obligation de reclassement de résultat incombant au patronat selon les modalités décrites plus bas.

• Principe n°2 : une obligation de reclassement de résultat. On a montré au chapitre 2 les résultats désastreux de l’actuelle « obligation de recherche de reclassement ». Lorsqu’il est mis en oeuvre, le reclassement est souvent un déclassement, fréquemment doublé d’une précarisation du statut contractuel. Nous proposons de substituer à cette obligation molle ce qu’il convient d’appeler une obligation de reclassement de résultat, corollaire de la continuité du socle contractuel et permise par le financement mutualisé. La mise en oeuvre de cette obligation pourrait suivre un parcours étagé, de l’entreprise au groupe, puis à la branche et au patronat en tant qu’entité collective.

• Principe n°3 : un financement mutualisé. Les deux principes précédents débouchent sur la nécessité d’un financement mutualisé des coûts de fonctionnement du système ainsi mis en place. [...] Il faut donc mettre en place des fonds de mutualisation à la charge des entreprises qui permettent de financer cette permanence du droit à l’emploi, par-delà les aléas de la vie de telle ou telle entreprise. De tels fonds sont nécessaires si l’on veut garantir un statut du salarié caractérisé par la continuité de l’emploi, non d’un emploi particulier et immuable, mais d’un emploi avec garantie de qualification et de rémunération.

Abolir la précarité
Lutter contre le chômage et les licenciements nécessite une intervention spécifique sur la précarité. L’emploi précaire (CDD, intérim, temps partiel et, maintenant, contrats nouvelles embauches) constitue en effet une dimension clé de la gestion patronale de la main-d’oeuvre. Il vise à constituer un volant de main-d’oeuvre éjectable sans formalités en cas de problème économique et donc de contourner la réglementation sur le licenciement économique. [...] Le recours à cette main-d’oeuvre précaire est massif dans certains secteurs : intérimaires dans l’automobile et le bâtiment, temps partiel dans la grande distribution ou les centres d’appel. Le recours au CDD comme période d’essai est très répandu, en toute illégalité [...]. Il ne s’agit pas, pour autant, de nier les problèmes de saisonnalité et de pic d’activité : certaines activités peuvent effectivement se concentrer sur quelques mois. Cependant, la logique de mutualisation esquissée plus haut permet d’avancer des solutions simples et radicales, autour de deux propositions : tout intérimaire devient un salarié en CDI de l’entreprise d’intérim ; le régime du CDD, comme celui des contrats de chantier (régi par l’article L321-12 du code du
2 travail) est supprimé. [...] Supprimer les licenciements, c’est aussi supprimer les autres licenciements, notamment les licenciements pour faute et pour inaptitude. Ce n’est pas une remarque de détail puisque ces licenciements sont plus nombreux que les licenciements économiques aujourd’hui [...]. Ce phénomène traduit l’individualisation et la violence accrues des rapports salariaux.

Élargir le rapport de force
Il faut donc investir ce terrain d’un point de vue revendicatif. Il faut notamment exiger un changement radical du droit disciplinaire. Aujourd’hui, l’employeur instruit la faute, la qualifie, l’apprécie, entend le salarié, décide de la sanction, l’applique. S’il décide que la faute est grave, il peut licencier sans indemnités de licenciement. [...] Il faut donc, au moins, que la qualification des faits supposés fautifs échappe à l’employeur. Soit que l’employeur doive saisir un juge des faits reprochés, ce qui empêche tout licenciement durant l’instruction, soit que ce rôle soit dévolu à une commission paritaire de branche, par exemple [...]. Il faut, en tout état de cause, exiger en priorité que tout licenciement jugé sans cause réelle et sérieuse, soit nul et ouvre droit à réintégration, sauf souhait contraire du salarié préférant une indemnisation3. [...] Pour sortir de la phase défensive actuelle, le rapport de force doit se construire à la fois dans et hors de l’entreprise : le groupe doit être interpellé, mais aussi la branche voire le Medef et/ou les pouvoirs publics. La bataille pour la préservation des emplois menée face à un patron d’une entreprise qui est en train de couler doit élargir sa cible au-delà du champ de bataille local pour pouvoir gagner. Face aux multinationales, la contestation devrait viser à une convergence de l’ensemble des mouvements sociaux afin de cerner l’entreprise dans ses différents lieux d’implantation et viser les différentes failles de la cuirasse. Ainsi, à Metaleurop, la constitution d’un front commun des salariés et de leurs syndicats, des habitants de la zone et des associations écologistes aurait amélioré le rapport de force des salariés : une alliance commune aurait permis de puissamment délégitimer cette entreprise « voyou » et de créer un rapport de force élargi. La domiciliation du principal actionnaire dans un paradis fiscal helvétique permettait aussi d’ouvrir un autre front, et de donner une dimension internationale à cette bataille. "

Supprimer les licenciements (Ed. Syllepses, 8 euros): Résumé et bon de commande
Réunion-débat avec les auteurs: Librairie La Brèche, 27 rue Taine 75012, jeudi 27 avril à 18h30