29.6.07

Oscar Peterson (1)

Pour l'été, je m'écarte un peu du thème de ce blog. Il n'y a pas que la politique dans la vie.

Il y a aussi la musique.

J'écoute Oscar Peterson depuis quelques temps, et l'on vient de m'offrir de nouveaux disques de lui. Il faut dire que ce pianiste, né en 1925, a sorti plus de 400 disques...

Voici quelques réflexions sur sa musique, à partir d'un article de Jacques Réda intitulé "Oscar Peterson, le dernier pianiste" (il figure dans son livre: L'improviste, une lecture du jazz, Gallimard Folio, pp. 346-58).

Jacques Réda note d'abord que cette musique que le public apprécie beaucoup, les critiques ne l'ont pas réellement comprise. Tous reconnaissent ses nombreuses qualités: sensibilité, technique, imagination, swing... Mais pour certains, "la présence phénomènale de Peterson s'interprète comme excédentaire". Il en fait trop, n'a rien à dire. Pour d'autres, Peterson n'est qu'un "pur et simple phénomène". "Non interprétative, la critique la plus louangeuse n'explique pas pourquoi, à l'inverse des phénomènes qui l'ont précédé et rendu possible, celui-là reste sans postérité".

C'est ce que Jacques Réda se propose d'expliquer, lui qui considère qu'arrivant "au bout de la chaîne", "Peterson ressentit à la fin du jazz comme une prodigieuse redondance".

"Il réempoigne vers 1950 toute l'histoire du jazz au piano, et - l'augmentant de toute sa force et de toute sa vitesse personnelles - il la rebrasse et la redouble d'autant plus hardiment que c'est une prouesse superflue: tout est dit et Oscar Peterson ne sert à rien, sinon à Peterson où aboutit la longue série d'engendrements, de réactions, d'emprunts, de ruptures qui le constituent, et l'obligent à se porter lui-même à bout de bras. Il est le luxe dont l'histoire du jazz en bout de course se couronne. Mais l'inquiétude n'est pas absente de ce dernier couronnement, et c'est dans l'intense activité presque fiévreuse, dans la surabondance qu'elle se trahit. Comme si d'abord, et la fin proche, Peterson se hâtait de faire ruisseler toutes les notes qui, parce que l'histoire est allée trop vite, n'ont pu être jouées avant lui ; comme si encore l'espace équivoque de la fin pouvait être malgré tout comblé par quelque utltime et titanesque effort dressant contre elle un torrent mélodique infranchissable"

Oui. Et c'est justement ce qui est superbe dans l'oeuvre de Peterson. Certes, une musique qui "ne sert à rien" car elle ne dit rien de nouveau. Celle de Parker était "à proprement parler inouïe" (lire l'article "La coupure de Charlie Parker" dans le même recueil). Celle de Peterson "rebrasse", "redouble". Elle ne sert à rien... si ce n'est de jouer des notes qui n'avaient pu l'être car "l'histoire est allée trop vite". Et ce n'est pas rien, pas tout à fait. Car cette urgence a une influence directe sur le style de Peterson. Il faut se hâter de "faire ruisseler toutes les notes" et de dresser "un torrent mélodique". C'est ce style, ce jeu que Jacques Réda décrit dans la suite du texte, dont voici un extrait:

"Powell semble toujours vouloir pulvériser un obstacle ; Peterson se propose plus modestement d'arroser, avec toutefois une ardeur et une profusion quasi lyriques. Aussi pouvons-nous prendre un plaisir égal au sien, quand la vanne s'ouvre à fond d'un seul coup et que le tuyau exécute une gigue fantastique dans l'herbe et au-dessus des massifs, avant que sa pluie heureuse et drue ou caresssante ne nous asperge [...]

Lorsqu'il expulse sur une seule ligne ces fourmillements de goutelettes dont chacune semble calibrée au centième de millimètre, mais garde son éclat et sa densité individuels pour tracer, avec toutes celles qui précipitamment la précèdent ou sans se bousculer la poursuivent, de longues liquides lanières associant le caprice, l'imprévu, la logique, et finissant parfois par se confondre en un viole impalpable de mousseline d'eau. A compter des premières années 50, l'histoire fluviale de Peterson n'est autre que celle d'une croissante maîtrise de ce système..."

(ci-dessus, à droite: Peterson peint par Raymond Moretti)

22.6.07

Ministre de la rafle et du drapeau

"Fidèle" est probablement l'adjectif le plus employé par les médias pour décrire Brice Hortefeux.

Né en 1958 à Neuilly-sur-Seine, d'un père banquier et d'une mère enseignante, Brice Hortefeux a suivi les mêmes études que Sarkozy: droit (Maîtrise en 1984) puis Sciences-Po. Les deux hommes se sont connus en 1976, lors de la création du RPR. Ils sont proches: Brice était le témoin du premier mariage de Nicolas, c'est aussi le parrain de son fils. Fonctions:
  • En 1986, il quitte Sc. Po. sans diplôme car il a réussi le concours d'administrateur territorial. Il le reste jusque 1993. Il est, depuis 1992, élu au Conseil régional d'Auvergne.

  • Chef du cabinet de Nicolas Sarkozy entre 1993 et 1995, quand celui-ci est Ministre du budget.

  • Hortefeux est nommé Préfet en 1995. Il est chargé de mission au cabinet du président du Sénat de 1998 à 1999.

  • Au RPR, Hortefeux est d'abord secrétaire départemental de la fédération du Puy-de-Dôme (1991-2001) puis membre du comité politique (1998-2002).

  • En 2004, il devient secrétaire général délégué de l'UMP. Il assure actuellement la présidence par intérim du parti (avec Gaudin et Méhaignerie)

  • En 1999, lorsque Sarkozy abandonne son poste de député européen, Hortefeux le remplace. Il est élu député européen en 2004.

  • Il démissionne de ce poste pour devenir Ministre délégué aux Collectivités territoriales dans le gouvernement de Dominique de Villepin.

  • Il semble vouloir prendre la Municipalité de Clermont-Ferrand (seule grande ville française - avec Limoges - à être à gauche depuis la Libération)

Actuellement:
"Ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du codéveloppement"
...

Au sujet de l'expression "Ministre de la rafle et du drapeau", que j'emprunte à Richard Moyon, membre de RESF (écouter): je dois préciser que le terme "rafle" désigne une pratique qui n'est pas spécifique à une période historique (la deuxième guerre mondiale). La rafle n'est pas la déportation. Ce ne sont pas des synonymes. La rafle peut être suivie, ou non, de déportation. Ici, il s'agit "d'expulsion" et non de "déportation", mais le caractère massif des expulsions prouve indubitablement qu'il y a eu "rafle".

En 2005, Sarkozy affirmait: "Le nombre des mesures d'éloignement d'étrangers en situation irrégulière exécutées a fortement augmenté: 12 000 en 2003, 15 000 en 2004, nous dépasserons 20 000 en 2005, sachant qu'un objectif de 25 000 sera fixé en 2006." Au final, + 140% d'expulsions en 5 ans.

Cela exige l'usage de certaines méthodes. Comme l'explique Dominique Vanstaevel: "Il est difficile de croire que pour parvenir à un tel résultat, la police se soit contentée de faire de la cueillette artisanale. La police a commis —et commet encore — des rafles (métro, ateliers, hôtels). Donc, l’usage du terme "rafle" est loin d’être usurpé dès lors qu’il s’agit de qualifier des opérations de police telles que nous en voyons dans certains quartiers de Paris, avec bouclage de rues, intervention massive dans les lieux publics ou privés..."

Or, Brice Hortefeux entend poursuivre la politique engagée par "son ami de trente ans". Dès le 4 juin 2007, il a annoncé aux responsables des forces de l'ordre les objectifs à atteindre en 2007 en matière de lutte contre l'immigration clandestine... "Eloigner" 25.000 sans-papiers.

"Le ministre a défini un objectif de 125.000 personnes mises en cause pour infractions à l'entrée et au séjour des étrangers", précise aussi le communiqué...

20.6.07

Les responsables

Rumsfeld et le Pentagone étaient au courant de ce qui se passait à Abou Ghraib
Le général chargé de la première enquête sur le scandale de la prison irakienne affirme dans The New Yorker que la hiérarchie militaire était au courant des abus perpétrés sur les détenus par les soldats américains.

De hauts responsables du Pentagone, dont l'ancien ministre de la défense Donald Rumsfeld en personne, ont été directement impliqués, du moins en tant que donneurs d'ordres, dans les méthodes abusives d'interrogatoire pratiquées à la prison d'Abou Ghraib en Irak. C'est ce qu'affirme, dans un article publié le 18 juin par le magazine The New Yorker, le général deux étoiles Antonio Taguba qui a mené la première enquête sur le traitement réservé aux prisonniers irakiens dans cette prison et qui aurait été contraint, de ce fait, à prendre une retraite anticipée.

Le général affirme avoir été frappé d'ostracisme par le Pentagone après la remise de son rapport exhaustif sur les désormais tristement célèbres sévices commis à Abou Ghraib qui ont déclenché un tollé dans le monde entier et ont conduit à une refonte des politiques américaines en matière d'interrogatoire et de détention.

Au cours de ses nombreux entretiens avec le journaliste du New Yorker, Seymour Hersh, Antonio Taguba a assuré qu'on lui avait ordonné de limiter ses investigations aux simples soldats qui figuraient sur les photos avec les prisonniers, ainsi qu'à leur unité. Il a pourtant toujours pensé que ces hommes avaient agi sur ordre venu d'en haut. A son avis, le haut commandement en Irak était forcément au courant des techniques d'interrogatoire agressives en vigueur dans la prison d'Abou Ghraib qui ressemblaient d'ailleurs à celles utilisées pour les prisonniers importants du centre de détention de Guantanamo Bay à Cuba.

Antonio Taguba accuse également l'ancien ministre de la Défense Donald Rumsfeld d'avoir menti au Congrès lorsqu'il a témoigné, en mai 2004, sur l'enquête en minimisant ce qu'il savait des abus. Le général assure qu'il avait rencontré le ministre de la défense et ses proches collaborateurs la veille même de cette audition.
"Je sais que mes pairs de l'armée seront furieux que je parle, mais le fait est que nous avons violé les lois de la guerre à Abou Ghraib. Nous avons violé les conventions de Genève. Nous avons violé nos propres principes et nous avons violé le cœur de nos valeurs militaires. Le stress au combat ne constitue pas une excuse, et je pense, aujourd'hui encore, que les chefs militaires et civils responsables doivent répondre de leurs actes."

Josh White, Amy Goldstein, San Francisco Chronicle (trad. par Courrier International)

18.6.07

Armadillidium Vulgare

S'il y en a bien un qui m'horripile, c'est Jean-François Copé.
Parcours de droite classique. Né dans les Hauts-de-Seine, ce fils de chirurgien a fait Sc. Po et l'ENA avant d'enseigner l'économie à Sc. Po. et Paris-8.
RPR puis UMP. Il a notamment été porte-parole du gouvernement Raffarin et Ministre délégué au budget des gouvernements Raffarin et Villepin.

Copé est une tête à claques. Le fayot de l'UMP.

Copé c'est aussi celui qui a, lors d'une réunion publique, qualifié des militants de gauche de "cloportes" et "résidus" : « Quand on est capable, un jeudi matin, d'envoyer une petite cohorte de cloportes un peu agressive, venue m'expliquer qu'ils étaient là pour sauver la démocratie [...] ça m'amuse parce que chez moi, à Meaux, nous avons aussi quelques résidus de cette nature ». (07/06/07). Voir la vidéo
Chers amis,
Ne dites plus "Jean-François Copé" mais Armadillidium Vulgare : ça fait savant et c'est bien plus précis.

9.6.07

Boucherie Productions


Ce qui est bien avec Eric Le Boucher (qui s'occupe de la chronique "économie" au Monde), c'est qu'il suffit de lire la première et la dernière phrase pour savoir ce qu'il y a entre les deux.

Ca va plus vite.

Si, si ça marche! Par exemple, cette semaine ça donne très exactement ceci:

"Ce qu'il y a d'hyper-sympa avec l'hyper-capitalisme est qu'il change tout le temps et toujours beaucoup plus vite qu'on l'imagine [...] L'hyper-capitalisme est hyper-sympa mais hyper-compliqué."

Bref, avant même de nous instruire de la "complexité" du monde, Le Boucher nous préviens que ce monde est "sympa".

Post-scriptum: ne pas oublier qu'en 2003, Eric Le Boucher avait inventé la délicieuse expression « 21 avril social ». Comparer la mobilisation sociale contre la réforme Fillon avec la mobilisation électorale en faveur du FN, voilà le genre d'exploit qui sied bien au héraut de "l'hyper-capitalisme".

3.6.07

Internationale du Capital







Le 18 mai 2007, le Président Colombien avait affirmé vouloir lancer une intervention militaire pour libérer les otages des FARC, ajoutant: "il n'y aura pas de petits jeux avec ces bandits des Farc" et les traitant à l'occasion de "nazis"

"Les Farc répètent à nouveau au président Nicolas Sarkozy et au peuple français leur engagement formel à parvenir à un échange de prisonniers pour lequel la démilitarisation des municipalités de Florida et de Pradera (sud-ouest) est indispensable", avait écrit Raul Reyes, le numéro deux des Farc, dans un communiqué du 24 mai 2007.

Après s'être entretenu avec le président Sarkozy, le Président Uribe, avait ensuite annoncé sa décision de libérer de nombreux guérilleros des FARC.
Pour justifier ce virage à 180°, Uribe avait invoqué une mystérieuse "raison d'Etat", promettant de s'expliquer le 2 juin.

Nous sommes le 3 juin et, finalement, le Président Colombien ne s'est pas expliqué. 187 guérilleros des FARC ont été transférés depuis leur prison vers un "centre de détention provisoire". Leur libération semble imminente. La mesure concernerait même un de leurs dirigeants, Rodrigo Granda, qui refuse, comme l'exigeait le gouvernement colombien, de renoncer à la lutte armée.

Selon le quotidien colombien El Tiempo, la libération (programmée) de Rodrigo Granda serait une demande directe du Président Sarkozy, qu'il devrait d'ailleurs rencontrer prochainement à Paris.

Je me demande si Sarkozy obtiendra la libération (symbolique) d'Ingrid Betancourt avant les Législatives?
Comme les sondages donnent l'UMP à "420 à 460 sièges" (ce qui est déjà sidérant), je me demande si la manipulation pourrait conduire à une Assemblée nationale entièrement bleue? Je rappelle qu'il y a 577 sièges à pourvoir.

Je me demande surtout quelle est cette "raison d'Etat" invoquée par Uribe? Qu'a donc promis Sarkozy?
Citant El Tiempo, Le Monde affirme: "En contre-partie du geste du président colombien, M. Sarkozy se serait engagé à accorder son soutien à M. Uribe, fragilisé sur la scène internationale"

C'est-à-dire?

Les liens étroits du gouvernement Uribe avec les paramilitaires ayant perpétré de nombreux massacres, et la découverte de plusieurs fosses communes, ont terni son image jusqu'aux Etats-Unis. Des élus du parti Démocrate commencent à contester le soutien absolu accordé par Bush à Uribe. Ce dernier cherche-t-il de nouveaux appuis en Europe? De quelle nature? On voit mal la France fournir autant que les USA (500 millions de dollars par an) pour financer le terrorisme d'Etat.

A suivre...