Obama a annoncé, lors d'un entretien le 11 janvier sur la chaîne ABC, que la fermeture du camp de détention de Guantanamo prendrait davantage de temps que les cent premiers jours de sa présidence.
Selon la direction de la prison, sur environ 205 détenus, "il y a quarante-deux grévistes de la faim, dont trente et un" sont nourris de liquide protéiné qu'on leur injecte par le nez.
La responsable américaine des procès de Guantanamo, Susan J. Crawford, a reconnu dans un entretien publié, mercredi 14 janvier, dans le Washington Post, que les Etats-Unis avaient utilisé la torture contre un détenu saoudien. "Nous avons torturé Qahtani", a-t-elle affirmé, précisant qu'elle renverrait son cas devant la justice. Suspecté d'être l'éventuel vingtième pirate des attentats du 11 septembre 2001, Mohammed Al-Qahtani, 30 ans, est détenu à Guantanamo depuis janvier 2002.
Il a été soumis à un régime d'isolement prolongé, de privation de sommeil, de nudité et d'exposition prolongée au froid, le laissant "dans un état qui menaçait sa vie", a indiqué Susan Crawford. "Les techniques utilisées étaient toutes autorisées mais la façon dont elles ont été appliquées était trop agressive et trop prolongée (...). C'était injurieux et inapproprié. Et coercitif. Clairement coercitif. C'est cet impact médical qui m'a conduite" à parler de torture, a-t-elle précisé. Qahtani a été interrogé durant plus de cinquante jours, de novembre 2002 à janvier 2003 et maintenu à l'isolement jusqu'en avril de la même année.
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Carol Rosenberg, la chroniqueuse de Guantanamo
LE MONDE 2 | 16.01.09 | 15h51 • Mis à jour le 16.01.09 | 15h51
Guantanamo, envoyée spéciale
Certains militaires la disent "cinglée", et c'est vrai qu'il faut l'être un peu pour passer autant de temps à Guantanamo quand on n'est pas dans l'armée. Carol Rosenberg est venue pour la première fois sur l'enclave américaine le 8 janvier 2002, quatre jours avant les premiers détenus. "On avait entendu que le Pentagone allait créer un camp susceptible d'héberger 2 000 personnes. C'était extravagant", se souvient-elle. La journaliste suivait les affaires militaires au Miami Herald. Elle avait été correspondante au Moyen-Orient, envoyée spéciale à Bagdad. Mark Seibel, le rédacteur en chef, lui a donné pour mission de s'incruster. C'est ce qu'elle a fait.
Sept ans ont passé. Après sa centième visite à Guantanamo, Carol Rosenberg a cessé de compter. Maintenant, elle est la mémoire du "trou noir" des années Bush. Un jour, quand "Gitmo" sera fermé, on pourra relire ses dépêches et reconstituer la chronique des lieux.
En juillet, Walid Ben Attash a "très poliment" posé une question à la cour : "Une fois que nous aurons été exécutés à Guantanamo, est-ce que nous serons enterrés ici ou est-ce que nous retournerons chez nous ?" Le 3 novembre, Ali Hamza al-Bahlul, âgé d'environ 40 ans, a décliné l'offre de téléphoner à sa famille au Yémen. Il ne veut pas de "traitement de faveur". Le 15 décembre, Ahmad al-Darbi, 33 ans, a montré un portrait de Barack Obama à la cour et espéré qu'il fermerait Guantanamo " comme promis ".
Depuis 2002, la journaliste a couvert les arrivées successives des hommes en orange, le déménagement du camp X-Ray vers des cages moins sommaires, la mise en place des tribunaux militaires… Jamais les départs : le Pentagone ne lui en a pas donné l'autorisation. "Un jour, j'ai réalisé que tout cela était en fait une vaste expérience. On demandait aux militaires de remplir des tâches pour lesquelles ils n'avaient aucune préparation, comment faire avec l'islam, les interrogatoires, les procès. Et aujourd'hui, il n'y a pas de préparation non plus pour savoir comment en sortir."
UNE CAUSE PERSONNELLE
Dans sa version papier, le Miami Herald ne publie pas tous ses articles. Mais la place sur le site Internet est illimitée. Pour le quotidien de Floride, c'est une opération de prestige. Et entretenir un journaliste à plein-temps sur le sujet de Guantanamo ne coûte pas grand-chose. "C'est l'un des reportages les moins chers qui soient", explique-t-elle dans le hangar qui sert de salle de presse au camp Justice, où se tiennent les procès. Le petit déjeuner à la cantine de l'armée coûte 2,10 dollars. Le vol avec les militaires, 400 dollars. La tente est gratuite.
Carol Rosenberg a fait de l'information à Guantanamo une cause personnelle. "J'ai décidé de m'incruster. Il faudra que le Pentagone m'expulse pour se débarrasser de moi, explique-t-elle. J'ai grandi après le Vietnam. On avait dans l'idée qu'on ne doit pas s'engager dans une situation militaire sans stratégie de sortie."
Le Miami Herald a fait une demande d'accréditation permanente pour qu'elle puisse couvrir les procès que l'administration Bush tente tant bien que mal de tenir alors que les avocats militaires des détenus contestent eux-mêmes les procédures en vigueur, et notamment que des aveux extorqués sous la "contrainte" puissent être retenus contre les suspects.
Une fois sur place, elle essaie d'obtenir le droit de visiter aussi les installations du centre de détention proprement dit. De voir les Ouïgours de Chine, arrêtés au Pakistan en 2002 (Ils devraient être libérés mais aucun pays tiers n'accepte de leur accorder l'asile). De voir le camp Echo, où quelques détenus parti—culièrement coopératifs ont obtenu des Game Boy. D'assister à une séance d'alimentation forcée. La plupart des demandes sont rejetées, mais pas toutes. Mi-décembre, elle a pu visiter le camp des dix-sept Ouïgours, dont un juge a ordonné la libération il y a plusieurs mois, à condition de ne pas chercher à entrer en communication avec eux. Ils ont eu droit à un quartier séparé, loin des autres, appelé camp Iguane. Les gardiens leur ont fourni une machine à laver et les laissent jardiner.
Guantanamo Bay étant entièrement aux mains de l'armée, les journalistes ne peuvent rien faire sans escorte. Et sans invitation, révocable à tout moment. En juin 2006, l'envoyée spéciale a reçu un courriel de deux phrases du bureau du ministre de la défense Donald Rumsfeld : "Les journalistes se trouvant actuellement sur l'île partiront mercredi 14 juin à 10 heures. Vous êtes priés d'être prêts à quitter le quartier général à 8 heures."
En fait de journalistes, elle était la première visée. Elle avait écrit sur les suicides que trois détenus, hébergés dans des unités différentes, avaient réussi à organiser simultanément. La réflexion du commandant de la prison, dénonçant cet "acte de guerre asymétrique", avait fait le tour du monde. Le Pentagone espérait faire retomber l'affaire. Son porte-parole, J. D. Gordon, a affirmé que l'armée avait été assaillie de demandes des autres médias, qui voulaient être admis aussi sur la base, et qu'elle avait préféré faire partir tout le monde.
Ce n'est qu'en août dernier que les conclusions de l'enquête sur les suicides ont été – très partiellement – rendues publiques. Les trois prisonniers, deux Saoudiens et un Yéménite, ont laissé des notes expliquant leur geste, a informé Carol Rosenberg. L'un protestait contre l'alimentation forcée pratiquée sur les grévistes de la faim. "Je n'aimais pas le tube dans ma bouche. Maintenant acceptez la corde à mon cou." Le deuxième dénonçait la manière dont son Coran avait été traité. Le troisième a signifié qu'il avait pris sa revanche : "J'ai quitté la cage malgré vous."
Carol Rosenberg attend elle aussi la fermeture de la prison. Pas plus qu'à l'habitude, le Pentagone ne voudra de témoins, pense-t-elle, lorsque les détenus reprendront l'avion. Peu importe. Elle sera là.
Corine Lesnes
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