14.3.07

UMP: le bilan (4)

Sarkozy se gargarise actuellement avec "l'identité nationale". Il prétend ainsi couper l'herbe sous le pied du FN. En réalité, il vise à rallier ses électeurs pour le second tour. Cette méthode consistant à débattre sur les terres du FN (mêmes thématiques, mêmes mots), cette méthode qu'il a appliquée durant tout le quinquennat, a de graves conséquences: les idées racistes progressent. Sarkozy prendra quelques électeurs à Le Pen, mais grâce au premier les idées du second gagnent du terrain.

1/ Racisme

Décembre 2005. Le sondage CSA, réalisé depuis dix ans pour la Commission nationale consultative des droits de l'homme (CNCDH) sur la xénophobie, montre une hausse spectaculaire du nombre de personnes se disant racistes. Un Français sur trois déclare que "personnellement, il dirait de lui-même qu'il est raciste" (+ 8 points par rapport à 2004). "La parole raciste s'est libérée", relève une note d'analyse confidentielle de cette instance placée auprès du premier ministre. (Le Monde, 17-12-05).

Tous les indicateurs de cette étude vont dans le même sens. 56 % des sondés (+ 18 points) estiment que le nombre d'étrangers est "trop important" et pose un problème pour l'emploi. 18 % lient cette question à l'insécurité.
Cette radicalisation est aussi marquée dans les réponses sur les immigrés : 55 % jugent leur nombre trop important (+ 9 points). Le nombre des Français qui considèrent que les travailleurs immigrés "sont en France chez eux puisqu'ils contribuent à l'économie française" baisse de 11 points.

"On assiste à une radicalisation ethnocentriste due au fait qu'une partie de l'UMP a ethnicisé la question sociale", estime Stéphane Rozès, directeur général de l'institut CSA. "Ce glissement est certes un résultat direct des émeutes, avec un réflexe d'ordre, mais aussi la conséquence des discours du gouvernement et de la droite, qui ont multiplié les propos provocateurs et stigmatisant les étrangers", assure une figure de la défense des libertés.

2/ La responsabilité de l'UMP

Les rengaines sur "l'immigration choisie" et "l'identité nationale" n'y sont pas pour rien.
"C'est un hommage permanent", ironise Le Pen. S'appuyant sur la crise des banlieues, de nombreux députés UMP n'ont pas hésité à tomber le masque pour se retrouver sur des positions estampillées FN. Ainsi Jacques Myard, proche de Charles Pasqua, a-t-il exigé la création de "bataillons disciplinaires" pour mettre au pas "ces jeunes, Français malgré eux, issus de l'immigration arabo-africaine". Le député UMP des Yvelines a également demandé une réforme de l'ordonnance de 1945 afin de pouvoir expulser sans délai les étrangers condamnés lors des émeutes. Un discours aux relents lepénistes encouragé par Nicolas Sarkozy et loin d'être isolé parmi les députés de la majorité. En témoigne cette réunion du groupe UMP qui s'est tenue à l'Assemblée nationale mardi 8 novembre 2005, au lendemain de l'instauration du couvre-feu.

Le fond de l'air est sécuritaire et implicitement raciste. Très rares sont les élus UMP qui osent alors parler de mixité sociale et de discrimination raciale. Présent à la réunion, Nicolas Sarkozy reçoit une ovation de la part des parlementaires. La voilà enfin, cette "droite décomplexée" dont le ministre d'Etat avait tant rêvé. Une droite prête à défendre les thèses les plus improbables, comme l'a fait Bernard Accoyer, patron des députés UMP, en établissant un lien direct entre la polygamie et les violences en banlieue.
Dominique de Villepin a beau mettre sa majorité en garde contre les "amalgames", la parole de droite s'est libérée du carcan républicain comme par enchantement. "Au groupe, les fachos ont pris le pouvoir", se désole un haut dirigeant chiraquien. "Je n'ai jamais vu un groupe aussi à droite, poursuit-il. On a un paquet d'extrémistes, surtout parmi ceux qui sont élus dans les campagnes." La palme revient sans conteste à Jean-Paul Garraud, élu de Gironde, qui veut sanctionner "les délinquants qui cherchent, par des objectifs précis, à détruire la nation française". Dans un communiqué daté du 9 novembre, cet ancien magistrat reprend mot pour mot une proposition du FN : "Il est nécessaire de donner la possibilité aux tribunaux de déchoir de la nationalité française les étrangers qui l'ont acquise, si leur culpabilité est reconnue." Quelques jours plus tôt, dans une "Lettre ouverte aux angéliques et aux donneurs de leçons", une trentaine de députés UMP justifiait ainsi la politique de Sarkozy : "Nous avons confiance dans le bon sens de nos compatriotes qui ont compris depuis 2002 que les victimes valaient mieux que leurs bourreaux." S'appuyant sur le "bon sens" qu'ils prêtent aux Français, les mêmes aboutissent à des raccourcis saisissants, affirmant, par exemple, que "la police de proximité version Jospin-Vaillant a mené Jean-Marie Le Pen au deuxième tour en 2002".
Egalement signataire de cette lettre, Edouard Courtial a fait circuler un autre texte parmi ses collègues. Ce député UMP de l'Oise y réclame la suspension des allocations familiales pour les parents de délinquants et le rétablissement d'un service national obligatoire sous le contrôle de l'armée. Avec toujours la même justification : "Si on n'a pas envie que Le Pen fasse 50 % des voix, il faut être capable de parler de la réalité avec des mots simples." Plus réservé, Laurent Wauquiez traduit le sentiment majoritaire au sein de l'UMP : "Durant des années, on a subi la dictature du politiquement correct. Et là, on prend le retour de bâton." Comme ses collègues, le député de Haute-Loire constate une "radicalisation très claire" de son électorat, qui explique des dérapages des élus UMP.
L'objectif affiché vise à rabattre les cinq millions d'électeurs lepénistes dans le giron de la droite. Une stratégie ouvertement assumée par Sarkozy. Cet été, plusieurs associations avaient déjà tiré la sonnette d'alarme après une déclaration du ministre d'Etat : "Quand on vit en France (...), on aime la France, si on n'aime pas la France (...), personne ne vous oblige à rester." Soit une copie quasi parfaite du slogan lepéniste : "La France, aimez-la ou quittez-la"... Mais là où les associations dénoncent "une nouvelle passerelle xénophobe préélectorale", les sarkozystes ne voient qu'une droite retrouvant le chemin du peuple.
(avec des extraits de Libération du 21/12/05)

6 commentaires:

Anonyme a dit…

*cette méthode qu'il a appliquée durant tout le quinquennat, a de graves conséquences: les idées racistes progressent. Sarkozy prendra quelques électeurs à Le Pen, mais grâce au premier les idées du second gagnent du terrain.

*Cela fait des années, même des décennies que les antiracistes / antifascistes / vigilants / résistants nous expliquent que le racisme est latent partout en France, que la France a été le terreau du préfascisme, etc. C'est absurde, mais c'est la seule manière pour tous ces gens d'exister : s'inventer un ennemi fantasmé, et taper dessus en essayant de croire qu'ils sont des héros. Mais comme l'ordre du jour, c'est de casser Sarkozy, on nous explique que c'est à cause de lui que les français sont racistes. Comme c'est cohérent !

*"La parole raciste s'est libérée", relève une note d'analyse confidentielle de cette instance placée auprès du premier ministre.

*C'est, évidemment, directement et exclusivement imputable à Sarkozy. Que les sondés en aient ras le bol de la chape de plomb antiraciste ambiante, de l'atmosphère de chasse aux sorcières permanente et du manichéisme ridicule de rigueur en France n'est bien sûr pas imaginable.

*"On assiste à une radicalisation ethnocentriste due au fait qu'une partie de l'UMP a ethnicisé la question sociale", estime Stéphane Rozès, directeur général de l'institut CSA.

*Quelle puissance d'analyse, mon Dieu ! C'est lumineux.

*la droite, qui ont multiplié les propos provocateurs et stigmatisant les étrangers", assure une figure de la défense des libertés.

*Anonyme, hélas. La droite est raciste, je sais. Je suis de droite, je suppose donc que je suis raciste. Je m'en veux, tu sais, chère figure de la défense des libertés.

*Les rengaines sur "l'immigration choisie" et "l'identité nationale" n'y sont pas pour rien.

*L'identité nationale est, si je ne me trompe, un thème lancé par Sarkozy jeudi dernier. Ca se crée vite, une "rengaine". Quant à l'immigration "choisie", c'est vrai que c'est si terriblement choquant, si pétainiste, si xénophobe, si nazi, au fond.

*Jacques Myard, proche de Charles Pasqua, a-t-il exigé la création de "bataillons disciplinaires" pour mettre au pas "ces jeunes, Français malgré eux, issus de l'immigration arabo-africaine". Le député UMP des Yvelines a également demandé une réforme de l'ordonnance de 1945 afin de pouvoir expulser sans délai les étrangers condamnés lors des émeutes. Un discours aux relents lepénistes encouragé par Nicolas Sarkozy

*Ah ? Où ? Quand ? Il l'a félicité, ce Myard, pour ses propos ? Il les a repris à son compte, peut-être ? Non ? Si ?

*Le fond de l'air est sécuritaire et implicitement raciste.

*C'est ça qui est génial avec les antiracistes : ils se battent contre "le fond de l'air". Ils n'ont pas de vrais adversaires, des vrais fafs avec croix gammée sur l'épaule, des violents. Non. Alors ils inventent des fafs fantasmatiques et en imprègnent "le fond de l'air". Et du coup, ils peuvent résister. C'est commode, et ça ne coûte pas cher.

*"Au groupe, les fachos ont pris le pouvoir", se désole un haut dirigeant chiraquien. "Je n'ai jamais vu un groupe aussi à droite, poursuit-il. On a un paquet d'extrémistes, surtout parmi ceux qui sont élus dans les campagnes."

*Je te fais la même, en miroir : "Au groupe, les bolchos ont pris le pouvoir, se désole un haut dirigeant hollandiste. Je n'ai jamais vu un groupe aussi à gauche, se désole-t-il. On a un paquet d'extrémistes, surtout parmi ceux qui sont élus dans les campagnes". Alors, impressionné ?

*Laurent Wauquiez traduit le sentiment majoritaire au sein de l'UMP : "Durant des années, on a subi la dictature du politiquement correct. Et là, on prend le retour de bâton."

*Bah oui. Cf. mon commentaire plus haut.

*là où les associations dénoncent "une nouvelle passerelle xénophobe préélectorale"

*Ouh là, c'est compliqué, ça : préélectoral, donc tactique, donc hypocrite, mais sincèrement xénophobe quand même... Bah, allez, vaut mieux y aller carrément : Sarkozy est Hitler, les UMP des SS, et la France va basculer dans le fascisme le 7 mai au matin. Non ?

Philippe a dit…

Au lecteur anonyme,

"Fascisme", "nazi", "SS, "Hitler", "pétainiste": tu es complètement à côté de la plaque car je n'ai employé AUCUN de ces mots. ("pétainiste" pourrait être discuté en ce qui concerne la conception morale de Sarkozy, tous les autres termes doivent être rejetés)

En revanche, oui la politique de l'UMP est "raciste" et "xénophobe" et face à cela j'espère que de nombreux citoyens sont "vigilants, résistants". La stigmatisation des étrangers est indéniable, le non-respect des droits des sans-papiers (ce sont des hommes, comme toi et moi) aussi (voir les nombreux rapports européens épinglant la France).

Je ne me bats pas contre "le fond de l'air" mais des idées insidieuses: c'est du bon sens que de ne pas attendre d'avoir de "vrais fafs avec croix gammée sur l'épaule, des violents".

Concernant le regain de racisme, C'est "évidemment, directement imputable à Sarkozy" (j'enlève juste ton "exclusivement").

En revanche parler à l'heure actuelle de "la chape de plomb antiraciste ambiante, de l'atmosphère de chasse aux sorcières permanente" est ridicule. Je suppose que tu considères aussi que la France est une république soviétique?!

Anonyme a dit…

je n'ai employé AUCUN de ces mots [...] l'UMP est "raciste" et "xénophobe"

*OK. Sarkozy et l'UMP sont des racistes. Et quand ils seront au pouvoir, il faudra défiler dans la rue en hurlant que le racisme ne passera pas. Et aux journalistes qui tendront le micro, on dira que renvoyer des enfants de sans-papiers dans le pays d'origine de leurs parents, ça rappelle les rafles sous Vichy (c'est bien ce qui a été dit cet été, non ?). On dira donc que Sarkozy et l'UMP, racistes, se comportent comme sous Vichy. Evidemment, on n'aura pas dit qu'ils étaient hitlériens, ou fascistes, ou ce genre de choses. Evidemment.

La stigmatisation des étrangers est indéniable

* Avoir une politique d'immigration = stigmatiser les étrangers. C'est ça, votre problème : dès qu'on parle des étrangers et de l'immigration, vous considérez qu'on commet un crime. Je ne vois pas, et je t'assure que j'y met toute la bonne volonté du monde, où est la stigmatisation.

ce sont des hommes, comme toi et moi

*Certes. Et ? Tous les hommes sont des hommes comme toi et moi. Ca veut dire que tous les hommes comme toi et moi doivent avoir le droit de s'installer dans le même pays que toi et moi ?

Je ne me bats pas contre "le fond de l'air" mais des idées insidieuses:

*C'est exactement ce que je dis ! Des idées que tu fantasmes, que tu crois décrypter derrière les discours des gens, en priant très fort pour les y trouver parce que ça te permettra de poser au héros antiraciste.

c'est du bon sens que de ne pas attendre d'avoir de "vrais fafs avec croix gammée sur l'épaule, des violents".

*Donc si on n'est pas vigilant, les vrais fafs violents reviendront... Franchement, tu vois des colonnes de chemises noires prendre l'Elysée d'assaut dans un an, dans deux ans, dans dix ans ?

Concernant le regain de racisme, C'est "évidemment, directement imputable à Sarkozy" (j'enlève juste ton "exclusivement").

* Même sans le "exclusivement", ça reste stupide.

En revanche parler à l'heure actuelle de "la chape de plomb antiraciste ambiante, de l'atmosphère de chasse aux sorcières permanente" est ridicule. Je suppose que tu considères aussi que la France est une république soviétique?!

* Honnêtement : parfois, je me le dis, oui.

Philippe a dit…

"Je suppose que tu considères aussi que la France est une république soviétique?!
Honnêtement : parfois, je me le dis, oui. "

Je m'en doutais un peu. Alors saches que dans l'économie de française de 2007 les prix sont libéralisés, la liberté de circulation des capitaux est totale et l'essentiel de la force de travail est une marchandise. Ce n'est pas même une économie capitaliste administrée (de moins en moins de monopole d'Etat et de services publics).

Tout ça je le déplore et tu t'en réjouis. Soit.
Mais cela montre bien que l'on est pas en république socialiste, et qu'en matière économique comme en matière d'immigration, tu vis et penses à partir de tes fantasmes (entretenus par tous les vecteurs de l'idéologie dominante)

PS: "Ca veut dire que tous les hommes comme toi et moi doivent avoir le droit de s'installer dans le même pays que toi et moi ?"... j'aimerais bien mais ça veut dire au minimum (tout de suite!) qu'on doit les traiter décemment (je te renvoie à nouveau à la lecture des divers rapports sur les centres de rétention etc.)

Anonyme a dit…

"Soviétisée" : je l'entendais au sens idéologique ("stalinisée", disons), pas économique. Economiquement, la France est bien sûr globalement libérale, et ce que tu dis est juste. Reste que la part d'étatisme n'est pas nulle, et que plus de la moitié du PIB transite par l'Etat... Quant au "moins en moins" de services publics, ça me paraît dérisoire : tu t'alarmes de ce qu'on ferme un bureau de poste ici et qu'on supprime 500 postes de fonctionnaires là, sans voir qu'on a plus de bureaux de poste et de fonctionnaires que partout ailleurs dans le monde. Je ne dis pas qu'il faut supprimer tous les fonctionnaires ni tous les bureaux de poste, bien au contraire. Mais tu raisonnes comme un médecin qui, face à un obèse de 180 kgs, panique en constatant qu'il a perdu 20 grammes et en conclut qu'il devient anorexique.

Sur l'immigration, je maintiens (la France est grande, mais ça n'est pas Saturne non plus) ; et sur l'antiracisme, je persiste à penser que le fantasme est chez ceux qui voient du racisme partout plutôt que chez ceux qui voient du délire antiraciste partout.

Philippe a dit…

"Reste que la part d'étatisme n'est pas nulle, et que plus de la moitié du PIB transite par l'Etat": tout à fait d'accord.

En revanche, de moins en moins de services publics ce n'est pas "dérisoire". Car ce secteur n'est pas "un obèse de 180 kgs". Ce terme implique déjà un dignostic, toute une vision du monde. Obèse par rapport à quoi?
Le dépeçage des services publics a commencé il y a une quinzaine d'années:

* Privatisation des banques sous le gouvernement Chirac
* Privatisation de Renault (Balladur), Péchiney, Usinor (Juppé)
* Privatisation des assurances (UAP et AGF)
* Le gouvernement Jospin a ouvert le capital de France Telecom et la droite a poursuivi le mouvement en privatisant.
* Ouverture du capital d'Air France et de Thomson Multimédia (Jospin toujours)
* Sarkozy a ouvert le capital de GDF en promettant que l'Etat resterait majoritaire. Il a menti, et a privatisé.
* Les autoroutes? Privatisation totale pour celles du Nord et de l'Est. Privatisation partielle pour les autres.
* La Poste? L'ouverture à la concurrence sera bientôt totale. La dégradation du service va s'accentuer. Pour les salariés, on recourt d'ores et déjà à des contrats précaires (massivement)
* Dans les Ministères? Quelques milliers de suppression de postes chaque année. Par ex. dans le budget 2007: 15 000 postes supprimés (dont 8700 dans l'Education Nationale)